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des Antilles, ceux de la Manche, furent tour à tour témoins de nos succès. Au combat d’Ouessant, la France lutta avec des forces égales et des avantages indécis contre la marine anglaise, alors enhardie par trente années de victoires, enorgueillie d’une domination non contestée ; la précision et l’habileté de nos manœuvres étonnèrent ces vieux ennemis. Aux Antilles, le comte de Guichen, le 18 avril, le 16 et le 19 mai de l’année 1780, remporta coup sur coup trois avantages importans sur l’amiral anglais Rodney, homme de mer brave, opiniâtre, entreprenant. Les escadres anglaise et française se rencontrèrent encore sur bien d’autres champs de bataille. Rarement, jamais peut-être, de plus nombreux vaisseaux, de plus habiles marins ne se trouvèrent en présence, et ne débattirent par le fer et le plomb de plus grands intérêts : il s’agissait de l’émancipation de l’Amérique, de la liberté de tout un monde. Jamais non plus le pavillon national ne parut sur les mers avec plus d’éclat qu’en ce moment, remis qu’il était aux mains de d’Orvilliers, de d’Estaing, de Latouche-Tréville, de Lamothe-Piquet, de Suffren, de Guichen, de Bougainville, savans navigateurs, intrépides amiraux.

Au milieu des évènemens variés de cette grande lutte, au milieu de tant de grandes et sanglantes batailles rangées, le combat isolé de deux frégates n’en captiva pas moins, pendant quelques instans, toute l’attention de la France et de l’Angleterre. Les noms des deux officiers, peu avancés en grade, qui les commandaient, vinrent s’écrire tout à coup parmi tous ces grands et illustres noms que nous venons de citer.

Au mois d’octobre 1779, les escadres combinées de la France et de l’Espagne étaient rentrées dans la rade de Brest. L’été s’était passé en longues évolutions exécutées en présence de l’ennemi. La flotte anglaise, de son côté, avait cherché un refuge à Plymouth. Deux frégates, l’une anglaise et l’autre française, chacune accompagnée d’un cutter, continuaient seules à croiser dans la Manche ; la première de ces frégates s’appelait le Quebec, la seconde la Surveillante, et toutes deux avaient semblable mission. La Surveillante avait ordre d’observer et de suivre les mouvemens d’une flotte anglaise de six vaisseaux, dont le départ de Plymouth était annoncé comme très prochain ; la frégate anglaise, se tenant sur les côtes de Bretagne,