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PAROLES D’UN CROYANT.

regrettables, il se mit, un matin d’été à la campagne, à vouloir déposer quelque part, pour lui seul, sa secrète pensée, son jugement amer sur le présent, son vœu et son coup d’œil d’apôtre touchant l’avenir. Il choisit pour cela une manière d’hymne et de poésie, comme étant la plus harmonieuse et la plus consolante ; il écrivit dans une prose rhythmique, dans des versets semblables à ceux de la Bible, et sous des formes tantôt directes et tantôt de paraboles, les inspirations de sa prophétie. Ce fut l’affaire d’une semaine à travers les bois et le long des haies de la Chesnaye. Un de ces chapitres ou plutôt une de ces proses composée, il rentrait l’écrire, et puis il sortait de nouveau, murmurant déjà la suivante. Il appela ce volume de prédilection : Paroles d’un Croyant, et ayant ainsi achevé sa pensée devant Dieu, il se sentit un peu calmé. Son grand travail de philosophie le retrouva plus dispos et plus persévérant. Mais d’assez récentes tracasseries ecclésiastiques l’ayant ramené à Paris, il y vit de près cette tiédeur et ce relâchement publics qui enhardissent un pouvoir sans morale à tous les envahissemens rusés ou grossiers ; il y vit, sous cette couche corrompue d’une société en décadence, une masse jeune et populaire, impétueuse, frémissante, au sang chaud et vierge, mais mal éclairée, mal dirigée, obéissant à des intérêts aussi et à des passions qui, certes, courraient risque de bientôt corrompre la victoire, si un souffle religieux et un esprit fraternel n’y pénétraient d’avance à quelque degré. Il a jugé bon dès-lors d’adresser à tous ce qu’il n’avait d’abord écrit que pour lui seul. Il se serait cru coupable de se contenir dans un plus long silence, de laisser passer ces jours mauvais et insolens sans leur jeter à la face son accent de conscience, son mot de vérité. Nous n’avons pas à nous inquiéter ici du retentissement que peut avoir cet éclat de M. de La Mennais dans l’ordre purement ecclésiastique. Nous regretterions que les Paroles d’un Croyant n’y fussent pas acceptées ou tolérées, comme une de ces paroles libres de prêtre, qui ont toujours eu le droit de s’élever en sens contradictoire dans les crises sociales et politiques aux diverses époques. Sans rien espérer actuellement de Rome et de ce qui y règne, nous sommes trop chrétien et catholique, sinon de foi, du moins d’affinité et de désir, pour ne pas déplorer tout ce qui augmenterait l’anarchie apparente dans ce grand corps