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LEONE LEONI.

tresse. J’eus même l’affection et la confiance des neveux et des cousins ; une très jolie petite nièce, que la princesse refusait obstinément de voir, fut enfin introduite par mes soins jusqu’à elle, et lui plut extrêmement. Je la priai alors de me permettre de donner à cet enfant un joli écrin qu’elle m’avait forcé d’accepter dans la matinée, et cet acte de générosité l’engagea à remettre à la petite fille un présent beaucoup plus considérable. Leoni, qui n’avait rien de mesquin ni de petit dans sa cupidité, vit avec plaisir le secours accordé à une orpheline pauvre, et les autres parens commencèrent à croire qu’ils n’avaient rien à craindre de nous, et que nous n’avions pour la princesse qu’une amitié noble et désintéressée. Les tentatives de délation contre moi cessèrent donc entièrement, et pendant deux mois nous eûmes une vie très calme. Je m’étonnai d’être presque heureuse.

La seule chose qui m’inquiétât sérieusement, c’était de voir toujours autour de nous le marquis de —. Il s’était introduit, je ne sais à quel titre, chez la princesse et l’amusait par son babil caustique et médisant. Il entraînait ensuite Leoni dans les autres appartemens et avait avec lui de longs entretiens dont Leoni sortait toujours sombre. — Je hais et je méprise Lorenzo, me disait-il souvent, c’est la pire canaille que je connaisse, il est capable de tout.

— Je le pressais alors de rompre avec lui, mais il me répondait : « C’est impossible, Juliette ; tu ne sais pas que lorsque deux coquins ont agi ensemble, ils ne se brouillent plus que pour s’envoyer l’un l’autre à l’échafaud. » Ces paroles sinistres résonnaient si étrangement dans ce beau palais, au milieu de la vie paisible que nous y menions, et presque aux oreilles de cette princesse si gracieuse et si confiante, qu’il me passait un frisson dans les veines sans que je susse pourquoi.

Cependant les souffrances de notre malade augmentaient de jour en jour, et bientôt vint le moment où elle devait succomber infailliblement. Nous la vîmes s’éteindre peu à peu, mais elle ne perdit pas un instant sa présence d’esprit, ses plaisanteries et ses discours aimables. — Que je suis fâchée, disait-elle à Leoni, que Juliette soit ta sœur ! maintenant que je pars pour l’autre monde, il faut bien que je renonce à toi. Je ne puis exiger ni désirer que tu me restes fidèle après ma mort. Malheureusement tu vas faire