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LEONE LEONI.

— Mais il n’est pas fou. Il commencera par nous faife arrêter comme deux voleurs.

— Il commencera par me rendre raison. Je l’y forcerai bien. Je lui donnerai un soufflet en plein spectacle.

— Il te le rendra en t’appelant faussaire, escroc, fileur de cartes.

— Il faudra qu’il le prouve. Il n’est pas connu ici, tandis que nous y sommes établis d’une manière brillante. Je le traiterai de lunatique et de visionnaire, et quand je l’aurai tué, tout le monde pensera que j’avais raison.

— Tu es fou, mon cher, répondit le marquis ; Henryet est recommandé aux négocians les plus riches de l’Italie. Sa famille est bien connue et bien famée dans le commerce. Lui-même a sans doute des amis dans la ville, ou au moins des connaissances auprès de qui son témoignage aura du poids. Il se battra demain soir, je suppose. Eh bien ! la journée lui aura suffi pour déclarer à vingt personnes qu’il se bat contre toi, parce qu’il t’a vu tricher, et que tu trouves mauvais qu’il ait voulu t’en empêcher.

— Eh bien ! il le dira, on le croira, mais je le tuerai.

— La Zagarolo te chassera et déchirera son testament. Tous les nobles te fermeront leur porte, et la police te priera d’aller faire l’agréable sur un autre territoire.

— Eh bien ! j’irai ailleurs. Le reste de la terre m’appartiendra quand je me serai délivré de cet homme.

— Oui, et de son sang sortira une jolie petite pépinière d’accusateurs. Au lieu de M. Henryet, tu auras toute la ville de Milan à ta poursuite.

— Ô ciel ! comment faire ? dit Leoni avec angoisse.

— Lui donner un rendez-vous de la part de ta femme et lui calmer le sang avec un bon couteau de chasse. Donne-moi ce bout de papier qui est là-bas, je vais lui écrire.

Leoni sans l’écouter ouvrit une fenêtre et tomba dans la rêverie tandis que le marquis écrivait. Quand il eut fini, il l’appela.

— Écoute, Leoni, et vois si je m’entends à écrire un billet doux. « Mon ami, je ne puis plus vous recevoir chez moi, Leoni sait tout et me menace des plus horribles traitemens ; emmenez-moi ou je suis perdue. Conduisez-moi à ma mère, ou jetez-moi dans un couvent,