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Lorsqu’il taillait un gros bloc ou le sciait en long, il commençait toujours une petite chanson dans laquelle il y avait tout une historiette qu’il bâtissait à mesure qu’il allait, en vingt ou trente couplets, plus ou moins.

Quelquefois il me disait de me promener devant lui avec Pierrette, et il nous faisait chanter en partie ; ensuite il s’amusait à me faire mettre à genoux devant Pierrette, sa main sur mon cœur, et il faisait les paroles d’une petite scène qu’il nous fallait redire après lui. Cela ne l’empêchait pas de bien connaître son état, car il ne fut pas un an sans devenir maître maçon. Il avait à nourrir avec son équerre et son marteau sa pauvre mère et deux petits frères qui venaient le regarder travailler quelquefois avec nous. Quand il voyait autour de lui tout son petit monde, cela lui donnait du courage et de la gaîté. Nous l’appelions Michel, mais pour vous dire tout de suite la vérité, il s’appelait Michel-Jean Sédaine.