la discrétion de ne pas insister, et je me fis conduire à la chambre que Leoni avait louée. — Si vous savez où on peut le trouver à cette heure-ci, dis-je au cameriere, allez le chercher, et dites-lui que sa sœur est arrivée.
Au bout d’une heure, Leoni arriva, les bras étendus pour m’embrasser. — Attends, lui dis-je en reculant, si tu m’as trompée jusqu’ici, n’ajoute pas un crime de plus à tous ceux que tu as commis envers moi. Tiens, regarde ce billet. Est-il de toi ? Si on a contrefait ton écriture, dis-le-moi vite, car je l’espère et j’étouffe. Leoni jeta les yeux sur le billet et devint pâle comme la mort.
— Mon Dieu ! m’écriai-je, j’espérais qu’on m’avait trompée ! Je venais vers toi avec la presque certitude de te trouver étranger à cette infamie. Je me disais : Il m’a bien fait du mal, il m’a déjà trompée ; mais malgré tout, il m’aime. S’il est vrai que je le gêne et que je lui sois nuisible, il me l’aurait dit il y a à peine un mois, lorsque je me sentais le courage de le quitter, tandis qu’il s’est jeté à mes genoux pour me supplier de rester. S’il est un intrigant et un ambitieux, il ne devait pas me retenir, car je n’ai aucune fortune, et mon amour ne lui est avantageux en rien. Pourquoi se plaindrait-il maintenant de mon importunité ? Il n’a qu’un mot à dire pour me chasser. Il sait que je suis fière. Il ne doit craindre ni mes prières ni mes reproches. Pourquoi voudrait-il m’avilir ?…
Je ne pus continuer, un flot de larmes saccadait ma voix et arrêtait mes paroles.
— Pourquoi j’aurais voulu t’avilir ? s’écria Leoni hors de lui. Pour éviter un remords de plus à ma conscience déchirée. Tu ne comprends pas cela, Juliette ! On voit bien que tu n’as jamais été criminelle !…
Il s’arrêta, je tombai sur un fauteuil, et nous restâmes attérés tous deux.
— Pauvre ange, s’écria-t-il enfin, méritais-tu d’être la compagne et la victime d’un scélérat tel que moi ! Qu’avais-tu fait à Dieu avant de naître, malheureux enfant, pour qu’il te jetât dans les bras d’un réprouvé qui te fait mourir de honte et de désespoir ? Pauvre Juliette, pauvre Juliette !
Et à son tour il versa un torrent de larmes.
— Allons, lui dis-je, je suis venue pour entendre ta justifica-