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bles, dont l’un est entièrement terminé et dont l’autre va l’être, figurent en quelque sorte, deux ailes égales à l’extrémité d’un même monument. Le corps intermédiaire du récit, les trente années de l’Empire et de la Restauration ne sont encore tracées que par endroits et ne présentent pas, à l’heure qu’il est, une ligne ininterrompue et définitive. Quelle qu’en soit l’importance, au reste, dans le plan de l’édifice, on peut provisoirement concevoir cet espace entre les deux ailes rempli par le Génie du Christianisme, les Martyrs, l’Itinéraire, la Monarchie selon la Charte, les Études historiques, tous palais différens de date et de style, mariant heureusement leur diversité, et composant un Louvre ou plutôt un Fontainebleau merveilleux, comme l’a dit quelque part M. Magnin à propos des Études historiques en particulier. Par le seul fait que l’époque antérieure à la vie publique est terminée jusqu’en 1800, que l’époque postérieure à la retraite politique est tout près d’être terminée d’une façon non moins définitive, nous tenons donc dès à présent un monument sans exemple, et dont l’aspect, même dans cet état inachevé, simule quelque chose d’accompli. Mais bientôt derrière ce Génie du Christianisme, ces Martyrs, cette Monarchie selon la Charte, tous ces palais, disons-nous, qui meublent l’intervalle, bientôt s’élèvera un autre monument de forme imprévue qui les enceindra ; M. de Chateaubriand s’entend à la grande architecture.

En essayant ici d’introduire un peu le lecteur dans ce que nous avons récemment recueilli, dans cet Alhambra de nos souvenirs, notre embarras est extrême, nous l’avouons. Que faire de tant de richesses encore jalouses ! Nous ne savons comment modérer notre mémoire. Nous aurons tort d’être trop inexact, et tort aussi d’être trop fidèle. Nous craignons, en mêlant trop du nôtre aux confidences du poète, de les altérer ; en les offrant vives, telles qu’elles se sont gravées en nous, de les trahir.

En 1811, à Aulnay, dans cette Vallée-aux-Loups où il a écrit l’Itinéraire. Moïse, les Martyrs, près de ces arbres de tous les climats, qui lui rappellent les Florides ou la Syrie, et si petits encore qu’il leur donne de l’ombre quand il se place entre eux et le soleil, M. de Chateaubriand, au comble de sa gloire, au plus haut de la montagne de la vie, profitant des derniers jours de calme avant