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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

face viii, point de distinction entre l’église démocratique ou l’église aristocratique : le cas échéant, ils décrocheraient demain l’arquebuse de Charles ix ou rallumeraient le bûcher de Jean Hus.

Le lendemain matin j’envoyai le cocher et la voiture nous attendre sur la route de Berne, et je priai notre hôte de nous procurer un jeune homme qui nous conduisît à l’ermitage de Sainte-Madeleine, les chemins qui y mènent étant impraticables pour une voiture. Il nous donna son neveu, gros joufflu, sacristain de profession, et guide à ses momens perdus. Il nous restait à visiter à Fribourg la porte Bourguillon, ancienne construction romaine. Nous nous mîmes en route sous la conduite de notre nouveau cicérone. — Nous passâmes pour nous y rendre près du tilleul de Morat dont j’appris alors l’histoire ; puis nous descendîmes une rue de cent vingt marches qui nous conduisit à un pont jeté sur la Sarine. C’est du milieu de ce pont qu’il faut se retourner, regarder Fribourg s’élevant en amphithéâtre comme une ville fantastique : on reconnaîtra bien alors la cité gothique, bâtie pour la guerre, et posée à la cime d’une montagne escarpée comme l’aire d’un oiseau de proie ; on verra quel parti le génie militaire a tiré d’une localité qui semblait bien plutôt destinée à servir de retraite à des chamois que de demeure à des hommes, et comment une ceinture de rochers a formé une enceinte de remparts.

À gauche de la ville, et comme une chevelure rejetée en arrière, s’élève une forêt de vieux sapins noirs poussant dans les fentes des rochers, d’où sort, comme un large ruban chargé de la maintenir, la Sarine aux eaux grises qui serpente un instant dans la vallée, et disparaît au premier détour. Au-delà de la petite rivière, et sur la montagne opposée à la ville, on découvre, au-dessus d’une espèce de faubourg bâti en amphithéâtre, la porte Bourguillon, à laquelle on arrive par un chemin creusé dans la montagne. Cette vue récompense mal de la fatigue qu’on a prise pour arriver jusque-là : c’est une construction romaine, comme toutes celles qui restent de cette époque, lourde, massive et carrée. Près d’elle, à la gauche du chemin qui y conduit, est une assez jolie petite chapelle, bâtie en 1700, dans les niches de laquelle on a placé extérieurement quatorze statues de saints, qui portent la date de 1650 ; deux ou trois d’entre elles sont assez remarquables. L’intérieur n’offre rien de curieux,