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sa difformité a disparu en même temps ; le voilà tel qu’il est, tel que ses peuples le voient, sur son char de triomphe ; c’est le noble prince de Mantoue.

ELSBETH.

Oui, c’est lui ; voilà ma curiosité satisfaite ; je voulais voir son visage, et rien de plus ; laisse-moi me pencher sur lui. (Elle prend la lampe.) Psyché, prends garde à ta goutte d’huile.

LA GOUVERNANTE.

Il est beau comme un vrai Jésus.

ELSBETH.

Pourquoi m’as-tu donné à lire tant de romans et de contes de fées ? Pourquoi as-tu semé dans ma pauvre pensée tant de fleurs étranges et mystérieuses ?

LA GOUVERNANTE.

Comme vous voilà émue, sur la pointe de vos petits pieds !

ELSBETH.

Il s’éveille ; allons-nous-en.

FANTASIO, s’éveillant.

Est-ce un rêve ? Je tiens le coin d’une robe blanche.

ELSBETH.

Lâchez-moi ; laissez-moi partir.

FANTASIO.

C’est vous, princesse ! Si c’est la grâce du bouffon du roi que vous m’apportez si divinement, laissez-moi remettre ma bosse et ma perruque ; ce sera fait dans un instant.

LA GOUVERNANTE.

Ah ! prince, qu’il vous sied mal de nous tromper ainsi ! Ne reprenez pas ce costume ; nous savons tout.

FANTASIO.

Prince, où en voyez-vous un ?

LA GOUVERNANTE.

À quoi sert-il de dissimuler ?

FANTASIO.

Je ne dissimule pas le moins du monde ; par quel hasard m’appelez-vous prince ?