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REVUE. — CHRONIQUE.

qui présidait en personne, au milieu des sergens de ville et des hommes lancés dans les rues par la police, aux coups que ceux-ci portaient aux citoyens ; des malheureux assommés par le bâton, frappés de coups de crosse et de baïonnette ; puis des dénégations audacieuses à la tribune et des démentis formels donnés presque en présence du cadavre d’un pauvre ouvrier resté sur la place ! — Une enquête a été ordonnée, mais en attendant le ministre est venu demander à la chambre un supplément de fonds secrets de 1,500,000 francs. C’est là sans doute le seul résultat que produira l’enquête. Au reste, nous pouvons affirmer que le célèbre Vidocq, qui se trouvait près de la place de la Bourse au moment des rassemblemens, a déclaré reconnaître parmi les assommeurs un grand nombre de forçats libérés, et Vidocq est une autorité respectable en pareille matière. Vidocq est en ce moment à Londres, où il est allé présenter à la banque d’Angleterre un papier de sa fabrique, à l’aide duquel on peut déjouer les contrefacteurs de billets. M. de Talleyrand, qui avait jadis un intérêt dans la fabrique de faux billets de banque d’Angleterre créée à Hambourg avec l’autorisation du gouvernement impérial, ne verra peut-être pas de bon œil cette négociation.

L’affaire de l’enlèvement de M. Hanno, par la garnison de Luxembourg, se trouve heureusement terminée, et nous n’aurons pas à mettre nos soldats en campagne, pour venger l’honneur belge une seconde fois offensé. Cette affaire a failli cependant en susciter une autre, et l’on a parlé de quelques mésintelligences qui s’étaient élevées à ce sujet entre M. de Broglie, et l’ambassadeur de Prusse, M. de Werther. Dans les explications qui eurent lieu, M. de Broglie avait dit que cette affaire était un véritable guet-à-pens. La vivacité avec laquelle ce mot fut prononcé, donna à penser au ministre allemand que ce mot, qu’il comprenait mal, avait quelque gravité. Il sortit de la chambre et alla consulter un dictionnaire, dans lequel il trouva cette explication du mot guet-à-pens : « Action d’un homme qui en attend un autre pour l’assassiner. » Il s’ensuivit une longue conférence entre les ambassadeurs et M. de Broglie, qui se termina heureusement par des concessions réciproques. Nous avons vu d’ailleurs à la chambre que M. de Broglie sait fort bien se tirer d’affaire par une rétractation.

Quel nom M. de Broglie donnerait-il à ce qui s’est passé dernièrement au Brésil ? Un souverain d’un royaume d’Europe, personnage très connu par la finesse et les ressources de son esprit, se trouvait embarrassé des promesses amicales qu’il a faites à don Pédro au moment de son départ pour le Portugal ; irrité surtout de voir le père de dona Maria s’opposer à un mariage que le souverain dont nous parlons avait projeté, il imagina