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et pour plus de garantie, on offrait à l’empereur de cimenter ce rapprochement par le mariage du duc d’Orléans avec la jeune grande-duchesse impériale, qui aura bientôt seize ans. À l’époque du congrès de Vienne, quand la France était encore courbée sous la main des rois de l’Europe, Louis xviii avait refusé une princesse russe pour le duc de Berry, en disant qu’elle n’était pas d’assez bonne maison ; mais la royauté citoyenne n’a pas le droit d’étaler des sentimens aussi aristocratiques, et on se serait volontiers contenté de la fille de l’empereur Nicolas.

Peut-être à son tour l’empereur de Russie a-t-il trouvé que les d’Orléans ne sont pas d’assez bonne maison ; toujours est-il qu’il a refusé sa fille, mais sans morgue et sans rudesse, et pour adoucir ce refus, il a même laissé entrevoir qu’il verrait sans déplaisir l’union du prince royal avec sa nièce, la princesse de Wurtemberg. Après cette ouverture, on a remarqué que des soirées d’ambassadeurs, et d’ambassadeurs de la Sainte-Alliance seulement, ont lieu au château des Tuileries. Ce jour-là, on n’invite que des hommes de naissance et de bonne maison, des hommes que la restauration eût avoués, et qui puissent satisfaire aux idées qu’apportent dans ce cercle les représentans des puissances étrangères. Il va sans dire que M. Viennet et les autres commensaux ordinaires du château en sont écartés. Les dîners se multiplient aussi, et M. Pozzo di Borgo y trouve toujours sa place près de la reine, au grand mécontentement de M. Appony et de lord Grenville, à qui les deux premières places appartiennent de droit, selon l’usage qui veut que les ambassadeurs n’aient de préséance les uns sur les autres, en ces occasions, que d’après l’ordre alphabétique des pays auxquels ils appartiennent. On parle même du retour de M. de Talleyrand qui voit les difficultés se multiplier autour de lui à Londres, et qui menace de demander son rappel, si l’on abandonne le système d’alliance anglaise qui a été le rêve de toute sa vie. Mais M. de Talleyrand en parle fort à son aise ; on voit bien qu’il n’a pas de fils à marier.

Les explications données par M. d’Argout à la chambre au sujet des assommeurs de la place ont amené de singulières révélations. Le ministre n’a pas craint d’avouer que des agens de police et des sergens de ville, déguisés et armés de bâtons, s’introduisaient par ses ordres dans la foule les jours d’émeute, ou, pour parler plus exactement, les jours de police. Or il a été prouvé que la foule qui se trouvait dernièrement sur la place de la Bourse se composait de promeneurs et de curieux, et il est bien permis de supposer que le tumulte qui a occasionné les violences de la force armée a été suscité par ces agens. Au reste, tous les détails de cette affaire ont paru hideux et déshonorans pour le pouvoir : un ministre