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qui ne fasse battre le vôtre. Hier enfant, ce fils est devenu un homme ; il veut être libre, se croit son maître, prétend aller seul dans le monde… Jusqu’à ce qu’il ait acheté son expérience, vos yeux ne trouveront plus le sommeil, que vous ne l’ayez entendu revenir ! Vous serez éveillées bien long-temps avant lui ; et les tendres soins d’une affection infatigable, ne les montrez jamais. Par combien de détours, de charmes, il faudra cacher votre surveillance à sa tête jeune et indépendante !

« Dorénavant tout vous agitera. Cherchez sur la figure de l’homme en place si votre fils n’a pas compromis son avancement ou sa fortune ; regardez sur le visage de ces femmes légères qui vont lui sourire, regardez si un amour trompeur ou malheureux ne l’entraîne pas !

« Pauvres mères ! vous n’êtes plus à vous-mêmes. Toujours préoccupées, répondant d’un air distrait, votre oreille attentive reçoit quelques mots échappés à votre fils dans la chambre voisine… Sa voix s’élève… La conversation s’échauffe… Peut-être s’est-il fait un ennemi implacable, un ami dangereux, une querelle mortelle. Cette première année, vous le savez, mais il l’ignore, son bonheur et sa vie peuvent dépendre de chaque minute, de chaque pas. Pauvres mères ! pauvres mères ! n’avancez qu’en tremblant.

« Il part pour l’armée !… Douleur inexprimable ! inquiétude sans repos, sans relâche ! inquiétude qui s’attache au cœur et le déchire !… Cependant si, après sa première campagne, il revient du tumulte des camps, avide de gloire, et pourtant satisfait, dans votre paisible demeure ; s’il est encore doux et facile pour vos anciens domestiques, soigneux et gai avec vos vieux amis ; si son regard serein, son rire encore enfant, sa tendresse attentive et soumise vous font sentir qu’il se plaît près de vous… Oh ! heureuse, heureuse mère ! » — Ceci s’imprimait en 1811 ; Bonaparte, dit-on, lut quelque chose du livre et fut mécontent.

Nous ne dirons rien des autres écrits de Mme de Souza, de Mlle de Tournon, de la duchesse de Guise, non qu’ils manquent aucunement de grâce et de finesse, mais parce que l’observation morale s’y complique de la question historique, laquelle se place entre nous, lecteur, et le livre, et nous en gâte l’effet. Mlle de Tournon est le développement d’une touchante aventure racontée dans les