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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

lement en 1811, des reflets non moins frappans de la nature du nord, des rivages de Hollande, des rades de la Baltique, où se prolongeait tristement l’exil de Mme de Flahaut. « La verdure dans les climats du nord a une teinte particulière dont la couleur égale et tendre, peu à peu, vous repose et vous calme… Cet aspect ne produisant aucune surprise laisse l’ame dans la même situation ; état qui a ses charmes, et peut-être plus encore lorsqu’on est malheureux. Assises dans la campagne, les deux sœurs s’abandonnaient à de longues rêveries, se perdaient dans de vagues pensées, et, sans avoir été distraites, revenaient moins agitées. » Et un peu plus loin ; « M. de Revel, dans la vue de distraire sa famille, se plaisait à lui faire admirer les riches pâturages du Holstein, les beaux arbres qui bordent la Baltique, cette mer dont les eaux pâles ne diffèrent point de celles des lacs nombreux dont le pays est embelli, et les gazons toujours verts qui se perdent sous les vagues. Ils étaient frappés de cette physionomie étrangère que chacun trouve à la nature dans les climats éloignés de celui qui l’a vu naître. La perspective riante du lac de Ploën les faisait en quelque sorte respirer plus à l’aise. Ne possédant rien à eux, ils apprirent, comme le pauvre, à faire leur délassement d’une promenade, leur récompense d’un beau jour, enfin à jouir des biens accordés à tous. » Mme de Souza d’ordinaire s’arrête peu à décrire la nature ; si elle le fait ici avec plus de complaisance, c’est qu’un souvenir profond et consolateur s’y est mêlé. La riante Adèle de Sénange, qui ne connaissait que les allées de Neuilly et les peupliers de son île, la voilà presque devenue, au bord de cette Baltique, la sœur de la rêveuse Valérie.

Adèle de Sénange en effet, dans l’ordre des conceptions romanesques qui ont atteint à la réalité vivante, est bien sœur de Valérie, comme elle l’est aussi de Virginie, de Mlle de Clermont, de la princesse de Clèves, comme Eugène de Rothelin est un noble frère d’Adolphe, d’Édouard, du Lépreux, de ce chevalier des Grieux si fragile et si pardonné. Je laisse à part le grand René dans sa solitude et sa prédominance. Heureux celui qui puisant en lui-même ou autour de lui, et grâce à l’idéal ou grâce au souvenir, enfantera un être digne de la compagnie de ceux que j’ai nommés, ajoutera