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de ruines entassées récemment par une tribu d’Arabes idolâtres. Rien ne nous avait préparés à cette musique de l’ame, dont chaque note est un sentiment ou un soupir du cœur humain, dans cette solitude, au fond des déserts, sortant ainsi des pierres muettes accumulées par les tremblemens de terre, par les Barbares et par le temps. Nous fûmes frappés de saisissement, et nous accompagnâmes des élans de notre pensée, de notre prière et de toute notre poésie intérieure, les accens de cette poésie sainte, jusqu’à ce que les litanies chantées eussent accompli leur refrain monotone, et que le dernier soupir de ces voix pieuses se fût assoupi dans le silence accoutumé de ces vieux débris.

Voilà, nous disions-nous en nous levant, ce que sera sans doute la poésie des derniers âges : soupir et prière sur des tombeaux, aspiration plaintive vers un monde qui ne connaîtra ni mort ni ruines !

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Ailleurs l’auteur, après avoir décrit une scène touchante qui se passe dans un couvent maronite de la Vallée des Saints, s’élève aux plus hautes considérations sur l’avenir du caractère social de la poésie.


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Nous restâmes muets et enchantés comme les esprits célestes, quand, planant pour la première fois sur le globe qu’ils croyaient désert, ils entendirent monter de ces mêmes bords la première prière des hommes ; nous comprîmes ce que c’était que la voix de l’homme pour vivifier la nature la plus morte, et ce que ce serait que la poésie à la fin des temps, quand, tous les sentimens du cœur humain éteints et absorbés dans un seul, la poésie ne serait plus ici bas qu’une adoration et un hymne.

Mais nous ne sommes pas à ces temps : le monde est jeune, car la pensée mesure encore une distance incommensurable entre l’état actuel de l’humanité et le but qu’elle peut atteindre ; la poésie aura d’ici là de nouvelles, de hautes destinées à remplir.