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FANTASIO.

ELSBETH.

C’est à vous, Sire, de répondre vous-même. Il me plaît, s’il vous plaît ; il me déplaît, s’il vous déplaît.

LE ROI.

Le prince m’a paru être un homme ordinaire, dont il est difficile de rien dire. La sottise de son aide-de-camp lui fait seule tort dans mon esprit ; quant à lui, c’est peut-être un bon prince, mais ce n’est pas un homme élevé. Il n’y a rien en lui qui me repousse ou qui m’attire. Que puis-je te dire là-dessus ? Le cœur des femmes a des secrets que je ne puis connaître ; elles se font des héros parfois si étranges, elles saisissent si singulièrement un ou deux côtés d’un homme qu’on leur présente, qu’il est impossible de juger pour elles, tant qu’on n’est pas guidé par quelque point tout-à-fait sensible. Dis-moi donc clairement ce que tu penses de ton fiancé.

ELSBETH.

Je pense qu’il est prince de Mantoue, et que la guerre recommencera demain entre lui et vous, si je ne l’épouse pas.

LE ROI.

Cela est certain, mon enfant.

ELSBETH.

Je pense donc que je l’épouserai, et que la guerre sera finie.

LE ROI.

Que les bénédictions de mon peuple te rendent graces pour ton père ! Ô ma fille chérie ! je serai heureux de cette alliance ; mais je ne voudrais pas voir dans ces beaux yeux bleus cette tristesse qui dément leur résignation. Réfléchis encore quelques jours.

(Il sort.)
ELSBETH seule.


Entre FANTASIO.
ELSBETH.

Te voilà, pauvre garçon ? comment te plais-tu ici ?

FANTASIO.

Comme un oiseau en liberté.

ELSBETH.

Tu aurais mieux répondu, si tu avais dit comme un oiseau en cage. Ce palais en est une assez belle, cependant c’en est une.