Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/634

Cette page a été validée par deux contributeurs.
622
REVUE DES DEUX MONDES.

liés à aucune théorie fondée. C’est là, plus ou moins, le caractère de la physique des anciens.

Il paraît donc que les docteurs chrétiens partisans de l’opinion de saint Hilaire et de Théodore concevaient de diverses manières le mouvement imprimé aux astres par les anges. Quelques-uns supposaient qu’ils les portaient sur leurs épaules, comme l’omophore des manichéens[1] ; d’autres, qu’ils les roulaient devant eux ou qu’ils les traînaient à leur suite. Cosmas, en assimilant les anges à des lampadophores, semble avoir cru que les astres étaient comme des flambeaux que les anges portaient à la main.

Cette opinion tient encore à celle de Platon qui, dans le Timée, suppose que chaque étoile est présidée par un génie ou une intelligence d’une nature intermédiaire entre la Divinité et l’homme, à moins qu’on n’aime mieux supposer que les mouvemens si extraordinaires que plusieurs docteurs chrétiens prêtaient aux astres exigeaient l’action immédiate et constante d’une cause intelligente qui les poussait dans l’espace. On voit cette idée reparaître encore dans les écrits théologiques du moyen-âge, par exemple, dans un ouvrage bizarre[2] où l’abbé Trithème, l’auteur de la fabuleuse chronique des Francs, donne la succession exacte des sept anges, ou esprits des planètes, qui, les uns après les autres, et chacun pendant le même espace de trois cent cinquante-quatre ans, ont gouverné les affaires de ce monde, sous l’inspection de la Providence, depuis la création jusqu’à l’an de grâce 1522[3]. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est de voir cette même opinion exprimée dans l’ouvrage du jésuite Riccioli, très savant astronome, à qui ses supérieurs n’avaient accordé la permission de lire les dialogues de Galilée qu’à la condition de les combattre. Cet antagoniste malgré lui de Copernic eut recours à l’opinion platonicienne, et plaça des intelligences célestes

  1. Beausobre, hist. du manich. ii, 374, 375.
  2. De septem secundeis, id est, intelligentiis sive spiritibus, orbes post decem moventibus. Argentor., 1600.
  3. Il est singulier que la durée des règnes de chacun des anges contienne précisément autant d’années que l’année lunaire contient de jours. Cela doit se rattacher à quelque rêverie astrologique.