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COSMOGRAPHIE.

savans ; et tout ce qu’on en lit dans plusieurs ouvrages géographiques peut être considéré comme un simple extrait de la préface du savant Montfaucon. Cependant le fond même de ce livre le rend un des plus curieux de l’époque où il a été composé. Le but principal de l’auteur a été d’établir le seul système cosmographique qui lui semblait orthodoxe, c’est-à-dire, selon lui, conforme au sens littéral de la Bible, auquel il s’attachait avec scrupule. La partie astronomique de ce système est complètement absurde ; la partie géographique est remplie de notions fausses et d’idées extravagantes ; et toutes deux seraient à peu près indignes d’examen, si elles ne nous représentaient qu’une opinion individuelle. Mais l’analyse approfondie de ce livre démontre que les opinions qui s’y trouvent ont été celles de plus d’un auteur des premiers siècles du christianisme.

Cosmas attaque très vivement ce qu’il appelle les hypothèses grecques, c’est-à-dire les idées de l’école alexandrine sur la rondeur de la terre et l’existence des antipodes[1]. Il croit démontrer d’abord sans réplique que l’Écriture est formellement contraire à ces dangereuses idées. Ensuite il avance qu’il est absurde d’imaginer que des hommes peuvent vivre la tête en bas et les pieds en haut[2], et que la pluie peut tomber des quatre points de l’horizon diamétralement opposés[3]. Ces argumens datent de loin, et en tout temps ils ont été trouvés fort bons. Plutarque[4] les met déjà dans la bouche d’un de ses interlocuteurs, grand ennemi de la sphéricité de la terre et des antipodes ; et on les voit se reproduire de siècle en siècle, depuis Lactance et saint Augustin, jusqu’au moment où la découverte de l’Amérique et le voyage autour du monde de Magellan vinrent pour toujours réduire au silence les adversaires des antipodes.

Selon Cosmas, la terre est une surface plane entourée de l’océan : au-delà s’étend une autre terre que les hommes habitaient avant le déluge, mais où ils ne peuvent plus pénétrer maintenant.

  1. Cosmas, p. 121. A. B ; 157. A ; 275. A.
  2. id. p. 114, E.
  3. id. p. 119, D.
  4. De facie in orbe Lunæ, p. 923 — t. ix, p. 654. Reisk.