Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/602

Cette page a été validée par deux contributeurs.
590
REVUE DES DEUX MONDES.

Bizoin, que les auteurs de cette ordonnance ont acquis un droit incontestable à la qualification d’imbécilles. Cette phrase paraît avoir beaucoup déplu à M. Gisquet, qui se rendit auprès de M. Châtelain, rédacteur en chef du Courrier, et lui demanda satisfaction. Des témoins furent choisis. Le général Darriule et M. Ganneron se présentèrent pour M. Gisquet, M. Châtelain choisit pour les siens un des propriétaires du Courrier et le rédacteur en chef du National. On conféra, comme il est d’usage, entre témoins. On examina si l’article qui avait blessé M. Gisquet renfermait réellement une offense, et si le droit d’examen de la presse allait jusqu’à accoler la qualification que nous avons citée, au nom d’un fonctionnaire public. Or, il résulta de cette conférence que les témoins déclarèrent que la presse avait réellement ce droit, que l’offense n’existait pas, qu’il n’y avait pas lieu à en exiger satisfaction les armes à la main, et M. Gisquet se trouva avoir assemblé à grand’peine quatre personnes notables, pour se voir condamné à accepter l’épithète qui avait excité sa mauvaise humeur.

M. Gisquet ne la méritait pas cependant, car il ne s’est pas rendu coupable d’un coup de tête ni d’une folie comme on le lui a reproché, et quelques-uns de ceux qui l’ont attaqué très vivement savent aussi bien que nous le mot véritable de cette affaire. Il s’agissait de prouver à la ville de Paris, qui paie la garde municipale et les sergens de ville, que cette troupe n’est pas suffisante ; et qu’il faut l’augmenter de plusieurs escadrons, ainsi que d’un certain nombre d’escouades. On voulait mettre les Parisiens dans l’alternative de se coucher de bonne heure, ou de faire gracieusement les frais d’une police encore plus formidable qu’elle ne l’est aujourd’hui. Le conseil municipal peut s’attendre à cette demande qui lui sera faite avant peu, et qu’il n’aura certainement pas le mauvais esprit de repousser.

Le ministère avait besoin d’émeutes à Paris pour faire suite aux évènemens de Lyon. Nous avons donc eu des émeutes. La brutalité avec laquelle on exécutait, depuis quelques jours, la loi sur les crieurs publics, avait causé quelques rassemblemens, de nouveaux embrigademens ont été faits à la préfecture de police, et depuis une semaine un immense déploiement de troupes, soutenues par une multitude d’agens déguisés, et tous armés d’énormes gourdins, nourrit le trouble qu’on cherche à prolonger par tous les moyens possibles. La population curieuse et paisible de Paris a été injuriée, foulée aux pieds, bâtonnée sans ménagement, tandis que les associations républicaines, bien avisées et bien disciplinées, se tenaient en dehors de tout ce mouvement, et nous avons eu le curieux spectacle que nous donnait la police, assommant ses admirateurs et ses