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salut d’un peuple, les Athéniens sont subtils et insolens, les Méliens sont subtils et supplians ; les maximes politiques développées dans cette argumentation grecque rappellent les négociations italiennes du seizième siècle.

Mais la manière de l’écrivain grandit encore avec les événemens, et les sixième et septième livres, où est racontée l’expédition de Sicile, surpassent en éclat les trois livres qui les précèdent. D’abord les commencemens de la Sicile sont exposés : il paraît que les plus anciens habitans de la partie occidentale de l’île s’appelaient les Cyclopes et les Lestrigons. Après avoir rappelé l’origine dorienne de Syracuse, alléguée par les Égestains auprès d’Athènes pour appuyer leur demande d’un puissant secours, Thucydide ouvre la délibération au sein de l’assemblée populaire et produit Nicias. Le vieillard fait entendre encore une fois le bon génie de la république : il rappelle que, faiblement rétablis depuis peu d’une terrible peste et de la guerre, les Athéniens ne doivent pas jeter leurs forces à peine restaurées dans une inutile aventure ; il attaque Alcibiade et dit qu’il ne faut pas permettre à un jeune homme qui veut se faire admirer par le luxe de ses chevaux d’étaler sa magnificence au péril de la république. Le fils de Clinias se lève pour répondre et ne se gêne pas d’avouer qu’aux jeux olympiques il a lancé dans la carrière sept chars, ce que personne n’avait fait avant lui, qu’il a remporté quatre prix, et qu’il a encore rehaussé ses victoires par ses magnificences ; il fait vanité de cette jeunesse qu’on accuse ; il ne refuse pas de l’associer à l’expérience de son antagoniste pour la plus grande gloire de la patrie. Cependant Nicias reprend la parole, et veut épouvanter les Athéniens par l’énumération des dépenses et des préparatifs ; on lui ferme la bouche en lui accordant tout ; on l’élit général avec Alcibiade ; Athènes, dans l’ivresse et le délire, semble se soulever tout entière pour se jeter sur Syracuse. Cette capitale de la Sicile a aussi ses assemblées et ses orateurs ; on s’y encourage, on y exaspère la haine et la résistance contre les Athéniens ; enfin commence le combat de la Sicile et de l’Attique. Quelque chose semble annoncer le dénouement ; il y a dans l’armée des Athéniens un homme de moins, Alcibiade, que la folie du peuple vient de proscrire, après l’avoir élu général ; du côté des Siciliens, il y a un homme de plus, Gylippe le Lacédémonien. Le succès