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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

se mêler à la destinée de Thémistocle ; le héros athénien reparaît ; nous lisons sa fuite du Péloponèse, son refuge chez Admète, roi des Molosses, son apparition auprès d’Artaxercès, l’audace qui subjugue ce barbare dont l’ame n’était pas sans grandeur ; enfin le portrait même de Thémistocle grandement esquissé, dont le trait le plus saillant est un génie naturel, une intelligence innée qui se passa, pour ainsi dire, de la science et de l’expérience, une divination inouie des obscurités de l’avenir, une improvisation admirable des ressources nécessaires au présent.

Enfin Lacédémone envoya ses derniers députés avec ces dernières paroles : Les Lacédémoniens veulent la paix ; la paix subsistera si vous laissez les Grecs libres. Les Athéniens se formèrent en assemblée pour délibérer ; et quand plusieurs eurent parlé, Périclès, fils de Xantippe, qui était alors le premier parmi les Athéniens, et le plus puissant par l’action et la parole, ouvrit la bouche. Dans ce discours, Périclès opine ouvertement à la guerre ; il énumère les avantages d’Athènes sur les Péloponésiens dans la lutte qui doit s’engager : comparaison des forces des deux partis. Périclès recommande aux Athéniens de se confier surtout à leur puissance sur mer, d’être insensibles au ravage momentané de leurs campagnes et de leurs biens, car ce ne sont pas les choses qui possèdent les hommes, mais les hommes qui les possèdent. Il leur recommande encore de ne pas songer, pendant la guerre, à étendre leur empire, et de ne pas ajouter à des épreuves nécessaires des périls et des aventures volontaires. Après l’avoir entendu, les Athéniens répondirent aux Lacédémoniens qu’on n’obtiendrait rien d’eux par la crainte, mais qu’ils étaient prêts à traiter comme des égaux avec leurs égaux. Les députés se retirèrent, et il n’en revint pas d’autres. Voilà le préambule de la guerre et de son histoire.

Nous avons insisté sur cette première partie de l’œuvre de Thucydide, parce qu’elle nous semble le triomphe de l’art historique tant chez les anciens que chez les modernes. Se présenter comme l’historien d’un seul événement et d’une catastrophe unique, se proposer un but direct et simple, mais y graviter en entraînant avec soi tout ce qui a précédé l’objet du récit, semer sur son passage les origines de la Grèce, traverser la guerre de