Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/550

Cette page a été validée par deux contributeurs.
538
REVUE DES DEUX MONDES.

de leur temps pour le soumettre aux métamorphoses de l’inspiration. N’ayant pas à s’occuper de la question extérieure, ils pourront traiter plus à fond et plus sérieusement le sujet même de leurs conceptions, la passion qu’ils auront choisie. Cette première épreuve achevée, et je m’assure qu’il en sortira plus d’un triomphe éclatant et durable, ils pourront tenter dans l’histoire l’application d’une méthode pareille.

Par exemple ils prendront une époque bien circonscrite, soit le règne de Louis xiii, 1610-1642, et dans le cercle de cette époque ils essaieront de réaliser une conception à priori, une fable toute faite, le développement d’un caractère trouvé à l’avance. Arrêtés à chaque pas par la réalité relative et passagère qui devra servir d’encadrement à la réalité éternelle, c’est-à-dire humaine, ils gagneront dans cette lutte courageuse une habileté nouvelle et plus profonde.

Ce ne sera plus ni le roman, ni le drame historique. Ce sera le roman et le drame dans l’histoire. Mais comme les noms et les personnages historiques ne joueront aucun rôle dans ces innovations, il n’y aura aucune parenté entre ce nouveau genre de poésie et la poésie qui s’est appelée historique jusqu’ici. Chacun des acteurs appartiendra tout entier au poète, et les particularités de l’histoire, en se réfléchissant dans ces créations, n’en pourront troubler l’originale spontanéité.

Enfin, après cette seconde épreuve, non moins profitable que la première, la poésie pourra reprendre l’interprétation des évènemens et des hommes historiques ; elle pourra, sans crainte de trébucher, remettre dans le roman et dans le drame les personnages dont la tradition nous a légué le portrait et la biographie, achever les physionomies ébauchées, combler les lacunes des récits, expliquer les énigmes politiques demeurées obscures pour les contemporains, suppléer la science par l’inspiration.

Cette triple évolution que je prévois ne s’accomplira pas dans tous les esprits. Quelques-uns s’arrêteront à la première et se complairont dans l’étude poétique de l’humanité prise en elle-même, sans acception de temps ni de lieu ; ils placeront dans le siècle où ils vivent les héros de leur fantaisie, pour se dispenser de la description qui a perdu tant de poètes. Sans doute le roman de Sainte-