Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/524

Cette page a été validée par deux contributeurs.
512
REVUE DES DEUX MONDES.

de nombreux représentans et ne promet pas de s’éteindre. Plusieurs d’entre eux se recommandent par l’élégance du langage ; mais toute l’harmonie de leurs périodes, toute la grace de leurs railleries, toute l’habileté de leurs récriminations ne peuvent rien contre les choses qui se font. Ils n’excitent que le dédain et l’indifférence des poètes.

Je blâmerais hautement les hommes d’imagination de ne pas répondre à des interpellations pertinentes ; je les blâmerais de ne pas réfuter par eux-mêmes ou par leurs amis des objections sérieuses. Le silence en pareil cas est une mauvaise défense. C’est mal comprendre sa dignité personnelle que de n’opposer à une accusation mesurée que le sourire de l’inattention.

Mais je ne puis blâmer l’accueil fait aux reproches de la critique historique. Je ne puis savoir mauvais gré aux esprits qui vivent de fantaisie d’entendre sans les écouter les clameurs d’une foule jalouse et envieuse qui prétend leur défendre de marcher, parce qu’elle ne peut faire un pas.

La seconde méthode est plus féconde et plus large. C’est la réalisation vivante d’une parole échappée à l’auteur de René, dans sa colère contre les chicanes mesquines que la littérature impériale ne lui épargnait pas. Il avait dit : « Il faut abandonner la critique des défauts pour la critique des beautés. » Cette pensée, vraie en elle-même, et qui contient le germe de plusieurs réflexions utiles et encourageantes aux nouveau-venus comme aux hommes déjà glorieusement arrivés, a été prise à la lettre par ceux qui font profession d’une sympathie assidue pour les tentatives et les projets de la poésie nouvelle.

Ce qui leur importe avant tout, c’est de se placer au point de vue de l’inventeur, et en cela ils ont raison. Leur préoccupation constante, leur étude de toutes les heures, c’est de s’interposer entre le poète et la foule, c’est d’expliquer et de mettre en lumière les parties les plus secrètes du drame ou du roman qu’ils ont sous les yeux. Ils s’efforcent à deviner, dans les moindres détails de l’œuvre qu’ils analysent, l’intention générale, obscure pour le plus grand nombre, et perceptible seulement aux initiés, à ceux qui sont doués d’un sens poétique capable de rivaliser avec le génie