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sion en France, et quiconque voudrait le continuer se montrerait inhabile et intempestif. Si on s’appliquait à anéantir les derniers restes visibles du catholicisme, il pourrait facilement arriver que l’idée catholique prît une forme nouvelle, qu’elle revêtit un nouveau corps, et que, déposant jusqu’à son nom et sa bannière, elle devînt encore plus embarrassante et plus obsessive dans cette transfiguration que sous sa vieille forme ruinée et discréditée. Il est même bon que le spiritualisme soit représenté par une religion qui a perdu ses meilleures forces, et par un clergé qui s’est placé en opposition directe avec l’esprit de liberté de notre temps. Mais pourquoi le spiritualisme nous trouve-t-il contraires ? Est-ce donc une chose si mauvaise ? Nullement ! L’encens de roses est une chose précieuse, et une fiole de cette essence paraît délicieuse à ceux qui passent leur vie dans les chambres d’un harem. Mais nous ne voulons pas qu’on effeuille et qu’on écrase toutes les roses de cette vie pour en extraire quelques gouttes, si enivrantes qu’elles soient. Nous ressemblons plutôt au rossignol, qui fait ses délices de la rose elle-même, et qui jouit autant de la vue de ses couleurs que de son vaporeux parfum.

J’ai avancé que ce fut le spiritualisme qui engagea en Allemagne la lutte avec la foi catholique. Mais ceci ne peut s’appliquer qu’aux commencemens de la réformation. Dès que le spiritualisme eut fait une brèche dans le vieil édifice de l’église, le sensualisme s’y précipita avec sa brûlante ardeur, contenue depuis si long-temps, et l’Allemagne devint le théâtre tumultueux où s’ébattit une foule ivre de liberté et avide de joies sensuelles. Les paysans comprimés avaient trouvé dans la doctrine nouvelle des armes intellectuelles pour soutenir la guerre contre l’aristocratie, et ils s’y livrèrent avec le feu de gens qui nourrissaient ce désir depuis plus d’un siècle et demi. À Munster, le sensualisme courait tout nu dans les rues, sous la figure de Jean de Leyde, et se couchait avec ses douze femmes dans le lit monstrueux qu’on y montre encore aujourd’hui à l’hôtel-de-ville. Les portes des monastères s’ouvraient partout, et moines et nonnes, se jetant dans les bras les uns des autres, se caressèrent sans vergogne. L’histoire allemande de cette époque ne consiste guère qu’en émeutes sensualistes. Plus tard, je dirai combien peu cette réaction eut de résultats, comment le spiritua-