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cher. Lorsque le mari revint de son voyage, l’esprit alla au-devant de lui, et lui dit : « Je me réjouis de ton retour, qui me délivre du lourd service que tu m’avais imposé. J’ai préservé ta femme du péché d’infidélité avec une peine incroyable, mais je te prie de ne plus la mettre sous ma garde. J’aimerais mieux garder tous les pourceaux du pays de Saxe, qu’une femme qui veut se jeter dans les bras de ses amans. »

Je dois remarquer, pour l’exactitude historique, que le chapeau qui couvrait toujours la tête de Hudeken s’éloigne du costume ordinaire des kobolds ; ceux-ci sont habituellement vêtus de gris, et portent un petit bonnet rouge. Du moins c’est sous cet affublement qu’on les trouve en Danemarck, où ils sont encore dans le plus grand nombre. Autrefois, je croyais qu’ils avaient choisi ce pays pour séjour à cause de sa belle orge rouge ; mais un jeune poète danois, M. Anderson, que j’ai eu le plaisir de connaître à Paris, cet été, m’a positivement assuré que les nissen, ainsi qu’on nomme les kobolds en Danemarck, préfèrent pour leur nourriture la panade au beurre. Quand ces kobolds se sont introduits dans une maison, ils ne se montrent pas facilement disposés à la quitter. Toutefois, ils ne viennent jamais sans être annoncés, et ils préviennent le maître du logis de la façon suivante. La nuit, ils portent dans la maison une grande quantité de petits éclats de bois, et ils répandent de la fiente de bétail dans les vases où l’on conserve le lait ; si le maître ne jette pas les éclats de bois, s’il consomme avec sa famille ce lait ainsi souillé, les kobolds s’installent chez lui pour toujours. Un pauvre Jutlandais devint si chagrin de la présence incommode d’un de ces singuliers commensaux, qu’il résolut de lui abandonner sa maison. Il chargea ses misérables effets sur une brouette, et se mit en chemin pour aller s’établir dans le village prochain. Mais s’étant retourné une fois sur la route, il aperçut le petit bonnet rouge et la petite tête du kobold, qui s’avançait hors d’une des barattes au beurre, et qui lui cria amicalement : wi flutten ! (nous déménageons) !

Je me suis arrêté peut-être un peu trop long-temps près de ces petits démons, et il est temps que je passe aux grands. Mais toutes ces histoires donnent une idée des croyances et du caractère du peuple allemand. Cette croyance était jadis aussi puissante que la foi