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DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

gens tués dans la maison où ils apparaissent ; et ils rapportent beaucoup d’histoires, disant que les kobolds rendent de si bons offices aux servantes et aux cuisinières et se font tant aimer, que beaucoup de celles-ci les ont pris en affection au point de désirer ardemment leur vue, et de les appeler. Mais ces esprits ne se rendent pas volontiers à leurs désirs, car ils disent qu’on ne peut les voir sans frissonner à en mourir. Cependant, quand les servantes curieuses insistent, les kobolds désignent un endroit de la maison où ils se présentent en personne ; ils préviennent qu’il faut avoir soin d’apporter avec soi un seau d’eau froide. C’est qu’il est arrivé souvent que le kobold est venu s’étendre tout nu sur un carreau, avec son grand couteau qui lui sortait du dos, et que la servante effrayée est tombée en défaillance. Là-dessus, le petit être se levait, prenait l’eau, et il en inondait la créature pour qu’elle revînt à elle. Et aussitôt la servante perdait son envie, et ne demandait plus jamais à revoir le petit Chim[1]. Il faut savoir que les kobolds ont tous des noms particuliers, mais qu’ils se nomment ordinairement Chim. On dit aussi qu’ils se livrent à toutes sortes de travaux pour les valets et les servantes auxquels ils se sont adonnés, étrillant les chevaux, faisant la litière de l’écurie, lavant tout, tenant la cuisine en bon ordre, faisant l’ouvrage de la maison, et donnant tant d’attention à tout, que le bétail engraissait et profitait beaucoup sous leur surveillance. Il faut, pour cela, que la valetaille caresse beaucoup les kobolds, qu’on ne leur fasse pas la moindre peine, qu’on ne rie jamais d’eux, et qu’on ne leur refuse jamais les mets qu’ils affectionnent. Quand une cuisinière a pris une de ces petites créatures pour son aide secret, elle doit chaque jour, à la même heure, au même lieu, lui porter un plat bien préparé et bien assaisonné, et s’en aller sans regarder derrière elle ; après cela, elle peut paresser tout à son aise, dormir le soir, elle ne trouvera pas moins son ouvrage fait dès le matin. Oublie-t-elle une fois son devoir et néglige-t-elle de porter le plat du kobold à l’heure dite, elle est forcée de faire toute seule sa tâche, et rien ne lui réussit. Tantôt elle se brûle dans l’eau bouillante, tantôt elle brise les pots et la vaisselle, elle renverse les sauces, etc. ; ce qui la fait infailliblement gronder

  1. Diminutif de Joachim.