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a été conçu de plus hideux et de plus sombre ! À sa cime est assis Satan, sous la forme d’un bouc noir. Chaque sorcière s’approche de lui, un cierge à la main, et le baise là où cesse le dos. Puis, toutes ces sœurs infernales dansent en rond autour de lui. Le bouc bêle, et l’infernale chahut lance au loin un cri de joie féroce. Quand les sorcières perdent un de leurs souliers dans cette danse, c’est pour elles un triste présage ; cela signifie qu’elles seront brûlées dans le cours de l’année. Mais la folle musique du sabbat, digne de Berlioz, dissipe toutes les craintes et tous les pressentimens, et quand la pauvre sorcière se réveille le matin de son ivresse, elle se retrouve nue et accablée sur sa cendre, près de son foyer éteint.

On trouve les meilleures notions sur ces sorcières dans la Démonologie de l’honorable et savant docteur Nicolas Remigius, juge criminel de son altesse sérénissime le duc de Lorraine. Cet homme perspicace était, il est vrai, dans la meilleure situation du monde pour connaître les sorcières, car il instruisait leurs procès, et dans son temps seulement plus de huit cents femmes montèrent, en Lorraine, sur le bûcher, comme atteintes et convaincues de sorcellerie. L’épreuve consistait particulièrement en ceci : on leur liait les mains et les pieds ensemble, puis on les plongeait dans l’eau. Si elles tombaient au fond et se noyaient, elles étaient innocentes ; mais flottaient-elles au-dessus de la rivière, on les tenait pour coupables, et on les brûlait sans miséricorde. C’était la logique du temps.

Comme base du caractère des démons allemands, nous voyons que tout ce qui est idéal leur a été enlevé, et que l’horrible est allié en eux à l’ignoble. Plus ils se montrent lourdement familiers, plus l’impression qu’ils produisent est effroyable. Rien n’est plus repoussant que nos revenans, nos kobolds et nos farfadets. Prætorius, dans son Antropodemos, donne une page à ce sujet, que je copie d’après Robeneck :

« Les anciens n’ont pu dire autre chose des kobolds, sinon que c’étaient des hommes véritables, de forme semblable aux petits enfans, avec de petits habits bariolés ; quelques-uns ajoutent qu’ils portent un couteau qui sort de leurs reins, par quoi ils sont très laids à voir, ayant été autrefois méchamment assassinés avec cet instrument. Les superstitieux pensent que ce doivent être les ames de