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liser en ce moment l’influence de la religion ; car, nous autres Allemands, nous sommes dans la situation où se trouvait la France avant sa révolution, lorsque le christianisme était inséparablement lié à l’ancien régime. L’un ne pouvait être ébranlé tant que l’autre eût continué d’exercer son influence sur la multitude. Il fallut que Voltaire fît entendre son rire tranchant avant que Samson pût laisser tomber sa hache. Mais le rire de Voltaire n’a rien prouvé, il a produit un effet tout matériel, comme la hache de Samson. Voltaire n’a fait que blesser le corps du christianisme ; tous ses sarcasmes, puisés dans l’histoire de l’église, toutes ses épigrammes sur le dogme et le culte, sur la Bible, ce saint livre de l’humanité, sur la Vierge Marie, la plus belle fleur de la poésie ; tout ce carquois hérissé de flèches philosophiques qu’il décocha contre le clergé et la prêtrise, ne blessa que l’enveloppe mortelle du christianisme, et non pas son essence intérieure ; il ne put atteindre ni les profondeurs de son esprit, ni son ame immortelle.

Car le christianisme est une idée, et, en cette qualité, il est indestructible, immortel, comme le sont les idées. Mais cette idée, qu’est-elle ?

C’est parce qu’on n’a pas encore conçu clairement cette idée, parce qu’on a pris ses formes extérieures pour sa réalité, qu’il n’existe pas une histoire du christianisme. Bien que deux partis opposés écrivent l’histoire de l’église, et se contredisent constamment, ils sont cependant d’accord en cela qu’ils ne disent précisément ni l’un ni l’autre ce qu’est après tout cette idée qui fut le centre du christianisme, qui s’efforce de se révéler dans sa symbolique, dans son dogme et dans son culte, et qui s’est manifestée dans la vie réelle des peuples chrétiens. C’est ce que ne nous disent ni Baronius, le cardinal catholique, ni Schrœckh, le conseiller aulique protestant. Feuilletez toute la collection des actes des conciles, le code de la liturgie, toute l’histoire ecclésiastique de Saccarelli, vous n’apprendrez pas ce que fut l’idée du christianisme. Que voyez-vous dans l’histoire des églises d’Orient et d’Occident ? Dans la première, des subtilités dogmatiques, à l’aide desquelles les vieux sophistes grecs cherchent à se renouveler ; dans la seconde, rien que des questions de discipline au sujet des querelles que font naître les intérêts ecclésiastiques, des formules d’oppres-