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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

dans toute l’étendue du pays, firent, par simple frayeur, des concessions qu’aucun autre motif n’aurait pu leur arracher. Mais les politiques modérés pardonneront difficilement aux ministres d’avoir si clairement et si ouvertement excité le peuple au mépris de la loi, comme ils l’ont fait en plusieurs circonstances. Toutefois ce reproche s’applique moins directement à Brougham, dont le langage resta généralement voilé et prudent, et qui n’a jamais marché avec la clameur populaire, si ce n’est pour la guider, qu’à plusieurs de ses collègues, moins retenus ou plus soumis à la populace. Maintenant ils sont engagés, eux et leur puissance, à dompter cette résistance passive qu’ils ont eux-mêmes provoquée, et qui n’a que trop bien écouté leur voix. Mais les figures étranges et terribles si pittoresquement décrites par Brougham circulent encore dans les rangs de la société. Les unions et les ligues, les coalitions contre l’Échiquier n’ont pas cessé, et pourtant la sibylle a reçu son salaire, et l’injustice dont on se plaignait depuis 1815 n’existe plus. Jusqu’au mois de juin 1832, époque à laquelle le bill reçut la sanction royale, Brougham et les penseurs politiques qu’il représente furent portés triomphalement sur le flot de l’opinion populaire. Ce fut dans leur destinée l’heure la plus belle et la plus glorieuse. Leur étoile pâlit maintenant ; et s’ils suivent leurs propres déclarations, le reste de leur vie se dépensera à résister au courant.

Aussi le public du continent, qui comprend mal l’état des partis de ce côté du détroit, et chez lequel se sont propagées de fausses notions sur l’Irlande, doit s’être étonné, quand le nom de Brougham a paru en 1833 parmi ceux des défenseurs les plus sévères des mesures militaires adoptées contre le peuple de cette île. Mais si l’on touche ce sujet, tous les souvenirs de l’ancienne tyrannie anglaise et de la misère irlandaise doivent être mis de côté. Il faut considérer le rapport du gouvernement et de l’Irlande d’après les faits qui existent à cette heure. Depuis l’ère de l’émancipation catholique, l’effort principal des chefs démocratiques de l’Irlande a été de mettre obstacle au paiement des redevances perçues par le clergé protestant, et le peuple les a secondés par une organisation ingénieuse qui a été établie contre les lois. Parmi les fidèles d’une religion, être accablé de demandes perpétuelles