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La motion de Brougham sur la réforme parlementaire fut naturellement abandonnée pendant quelque temps. On s’accorde généralement à reconnaître que la teneur de cette motion était beaucoup moins démocratique que la présente loi électorale. Il serait injuste d’en conclure une accusation d’inconséquence contre Brougham. Le public, comme la sybille antique, exige des sacrifices d’autant plus grands qu’on tarde davantage à le satisfaire. La mesure qui aurait satisfait le pays en 1830, n’était plus qu’un jeu en 1832 ; et si la première proposition eût passé, une autre, beaucoup plus étendue, n’aurait pas tardé à suivre.

La composition du nouveau ministère qui a depuis ce temps gouverné le pays n’était pas sans difficulté. Les whigs, qui formaient le corps principal de cette armée bigarrée dirigée contre Wellington, prétendaient naturellement aux emplois les plus élevés ; mais ils se divisaient en deux classes, séparées moins par la disconvenance des sentimens politiques que par la différence des habitudes et des caractères, à savoir les aristocrates whigs, conduits par lord Grey ; les plébéiens whigs, conduits par Brougham. En outre, le reste de la vieille opposition tory fournissait un membre, le duc de Richemond ; un nombre considérable de places étaient remplies par les partisans de Canning et Huskisson, hommes de talent et d’expérience diplomatique et administrative, mais sans influence et sans caractère politique, dont les opinions avaient en outre pris une tendance beaucoup plus décidément libérale depuis les mauvais traitemens endurés par eux et leurs chefs morts, en 1827.

Ainsi les hommes qui formaient ce corps appartenaient à quatre partis ou classes différentes ; mais la plus grande difficulté était de trouver une place pour Brougham. L’office de chancelier avait été rempli par lord Lyndhurst, homme de talent, juge plus fin qu’habile, et très recherché du monde, mais particulièrement odieux aux whigs à cause de l’abandon qu’il avait fait de leur parti. Il fut écarté avec le reste.

La longue durée du règne des tories avait rendu les hommes de loi, pour la plupart, entièrement dévoués à ce parti. Tous les honneurs s’étaient rencontrés dans une seule et même voie ; talent, ressources, fortune, tout avait suivi invariablement la même direction.