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dans la chambre basse par son éloquence et son influence, mais absolument incapable de concilier les lords, qui repoussèrent un de ses projets concernant les lois céréales, abandonné par ses anciens amis, embarrassé par les nouveaux, en proie à toutes les intrigues de cour déchaînées contre lui, sa santé succomba sous ses travaux et sous ses inquiétudes, et il mourut peu de temps après avoir atteint le but de toute sa vie, dans la maison du duc de Devonshire, la même qui avait été déjà témoin des derniers momens de Fox.

Il est inutile de rappeler en détail les efforts malheureux faits par lord Goderich pour marcher après Canning sur les traces de sa politique. Le parti tory l’emporta, et le duc de Wellington accepta la place de premier ministre, aux sollicitations pressantes du roi. Brougham reprit alors sa carrière habituelle d’opposition, après quelque temps d’un silence inaccoutumé. En février 1828, il dénonça avec véhémence le langage du discours de la couronne, dans lequel les ministres avaient qualifié d’événement funeste la bataille de Navarin, gagnée par les flottes combinées sous l’administration de leurs prédécesseurs. Jurisconsulte par son éducation et par toutes les habitudes de sa pensée, disciple politique de ceux qui, depuis deux cents ans, combattaient le maintien des armées comme une des plaies de la Grande-Bretagne, il sentit naturellement tous ses sentimens blessés par l’arrivée d’un général à la conduite de l’administration civile de son pays. Ce fut à cette occasion qu’il prononça une phrase devenue célèbre en parlant des obstacles suscités au despotisme militaire par les progrès de l’instruction populaire. « Le maître d’école y mettra bon ordre ! » Mot devenu depuis proverbial en Angleterre, et qui a été employé par les orateurs, tantôt par enthousiasme tantôt par ironie.

Sous le ministère qui suivit, les attaques de Brougham furent surtout dirigées contre Peel, secrétaire du département de l’intérieur, qui représentait le ministère dans la chambre des communes. Moins distingué que Canning comme orateur, Peel est sous quelques rapports un antagoniste plus formidable pour un homme du tempérament de Brougham. L’impétuosité de Canning excitait, provoquait son antagoniste ; et, dans l’ardeur des débats, il laissait