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de pleurer comme le premier président, mais ce jeu fut traité comme il le méritait, de badin et de ridicule. »

Peu de temps après la scène dont nous venons de parler, en 1823, la balance pencha décidément du côté de Canning. Brougham avait fait une sortie brillante contre le congrès de Vérone et la diplomatie française, dirigée à cette époque par Châteaubriand, qu’il traita « de rhéteur vide, de maigre orateur, de faiseur de méchans livres et de plus méchans manifestes. » Mais quand vint le moment où les ministres durent rendre compte de leur conduite dans l’affaire d’Espagne, Canning fit un exposé qui satisfit si complètement la chambre, malgré la résistance de Brougham, qu’il devint nécessaire de s’abstenir de toute intervention active dans l’expédition du duc d’Angoulême, afin qu’une scission n’eût pas lieu dans le parti whig.

L’équilibre des partis resta à peu près le même ou ne fut que légèrement altéré par les progrès de l’opinion libérale et la forte organisation du corps catholique d’Irlande, jusqu’à ce que la maladie de lord Liverpool, en février 1827, l’ayant forcé d’abandonner la direction des affaires, Canning devint l’objet de la faveur nationale, mais en même temps celui d’une inimitié mal déguisée de la part de quelques-uns de ses collègues qui étaient de la vieille école aristocratique.

Ses discours en faveur des catholiques, sa conduite envers la Grèce, le Portugal et l’Amérique méridionale, furent cause de ce mécontentement. Quand il fut pressé par le roi de le conseiller sur la formation d’un nouveau cabinet, il répondit qu’il conviendrait d’en former un qui serait unanime sur la question catholique. Il était alors évidemment impossible que le parti catholique formât à lui seul un cabinet. Le duc de Wellington ne s’interposait point ouvertement dans les affaires politiques, quoique très puissant à la cour ; c’était d’ailleurs la dernière personne que la nation eût mise à sa tête. Canning alla au-devant de toute objection en déclarant qu’il avait reçu pleine autorité pour former un cabinet suivant son désir. Il avait été d’abord en négociation avec Brougham et d’autres whigs pour la composition d’un nouveau ministère. Néanmoins il ne parut pas avoir soupçonné l’intention du vieux parti tory, de renoncer à toute part au gouvernement, du moment où il en serait le