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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

patois des comtés septentrionaux et du dialecte de la capitale de l’Écosse. Sa première jeunesse, comme celle de beaucoup d’hommes éminens, se passa tantôt dans le travail et l’étude, tantôt dans la dissipation et le plaisir ; parmi des étudians de mœurs vives et joyeuses, destinés à vivre de leur esprit, et non dans les ennuis d’une industrie régulière, peu soucieux de la société et de ses formes. Il se distingua de bonne heure par des essais mathématiques d’un grand mérite : quelques-uns de ces essais ont été publiés dans les Transactions philosophiques, le premier journal scientifique de l’Angleterre. Un de ses traités sur les théorèmes généraux, qu’il écrivit à dix-huit ans, a obtenu les éloges de Prévost de Genève. C’est une étude à laquelle Brougham est toujours demeuré très attaché depuis, quoique ses spéculations dans cette science aient été plus remarquables pour le talent que pour l’exactitude. Vers la fin du dernier siècle, il voyagea en compagnie du présent lord Stuart de Rothsay dans quelques parties du nord de l’Europe.

En 1802, la Revue d’Édimbourg fut fondée par Jeffrey (aujourd’hui procureur-général d’Écosse), secondé de plusieurs autres jeunes gens qui sont devenus plus ou moins célèbres dans ces derniers temps, et surtout de Brougham. Aucun succès littéraire, obtenu en Angleterre depuis cette époque, n’a peut-être égalé la popularité de ce recueil. La manière vive et sarcastique dont il attaquait toute la masse des opinions oligarchiques qui alors prévalaient particulièrement dans la Grande-Bretagne, le talent réel déployé par plusieurs de ses écrivains, et surtout la nouveauté de cette polémique (car l’habitude de publier des essais substantiels sous la forme de critique était alors entièrement nouvelle), toutes ces choses contribuèrent à lui concilier les suffrages du public. Pendant quelques années, la Revue fut comme l’arbitre de toutes les discussions littéraires et l’organe public des sentimens politiques d’un grand parti. Elle continua d’être dirigée par Jeffrey jusqu’en l’année 1828, et jusqu’à cette époque Brougham fut un de ses collaborateurs les plus assidus ; et si aujourd’hui, comme on le prétend, il n’est pas associé aux travaux de ce recueil, du moins la Revue d’Édimbourg est généralement regardée comme son journal de prédilection, et passe pour exprimer ses vues individuelles sur les questions agitées par son parti. Il serait difficile d’indiquer la