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avec ceux qui cherchent à les renverser. Son savoir devra être étendu, mais n’aura pas besoin d’être profond. Il lui suffira de posséder le talent d’appliquer rapidement à la réalisation de ses desseins toutes les connaissances qu’il possède ; car c’est une chose digne de remarque que tous les progrès que la civilisation a faits depuis vingt-cinq ans ont été en réalité le fruit de l’expérience mécanique, de l’observation et de l’industrie. Tout ce qui a été fait est l’œuvre de la main et non de la tête. Les penseurs et les philosophes, tous ceux qui sont censés posséder des facultés supérieures ont passé leur temps à se distraire avec la théorie et la discussion, à déployer leur talent comme des acteurs sur le théâtre de la vie, tandis que l’œuvre réelle s’est accomplie par des agens subalternes. Encourager la marche de l’intelligence pratique, se mettre autant que possible à la tête de cette colonne active des classes industrieuses qui forment aujourd’hui la véritable avant-garde de la société, détruire, pour faciliter sa marche, les obstacles suscités par l’orgueil et les préjugés du passé : telle est la tâche de l’homme du siècle présent. Et ce caractère idéal pourrait, sous plusieurs rapports, servir de portrait à lord Brougham. Qu’on ajoute un petit nombre de traits empruntés au caractère national ; qu’on ajoute les qualités acquises pendant une guerre de plusieurs années, courageuse et persévérante, contre l’aristocratie britannique, la richesse, l’éclat du talent, soutenus par les préjugés et les opinions des classes les plus élevées et des classes moyennes de la société, et l’on aura l’idée la plus juste de l’homme dont le nom est maintenant sur les lèvres de ses concitoyens, plus souvent peut-être que celui d’aucun autre personnage mort ou vivant.

Henri Brougham est né à Édimbourg en 1778. Il descend d’une famille très ancienne dans les comtés septentrionaux de l’Angleterre, quoique ses plus proches parens ne fussent pas riches. Sa mère est une Écossaise, nièce de l’historien Robertson, l’un des écrivains classiques de la Grande-Bretagne dans ce genre de composition. Son éducation se fit principalement à Édimbourg, de sorte qu’aucune des deux nations ne peut le revendiquer exclusivement comme sien, et il doit à chacune des deux plusieurs traits caractéristiques de sa physionomie. L’accent particulier qui donne un air si original à son débit oratoire semble composé du