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ardeur un sanglier, s’égare dans une forêt sauvage, près de Rome. La nuit vient, et à grand’peine il se dirige vers une petite lumière qui brillait dans une pauvre cabane. Il y entre, et y trouve une jeune et belle fille toute seule. Il l’interroge sur son sort. La fille répond que sa famille a été cruellement réduite par la mort, qu’il ne lui reste que sa mère et son père, qui, pauvres, sont forcés de tenir une auberge à Rome. L’empereur devient amoureux de la jeune fille, et quand il l’a vaincue, il lui passe un riche anneau au doigt, en lui disant qu’avec de la discrétion ils pourront vivre heureux ensemble. La mère revient, et s’aperçoit bientôt de la grossesse de sa fille, qui lui avoue sa faute. Cette femme fait confidence du malheur de sa fille à son mari, qui, sans connaître le séducteur, offre sa maison pour les couches. L’amante de Frédéric met au monde un fils, auquel on donne le nom d’Urbano.

« À quelques jours de distance, l’impératrice accouche également d’un fils auquel Frédéric donne le nom de Speculo ; puis enfin la vieille mère et l’impératrice meurent presque en même temps. »

Avant de poursuivre l’analyse de ce roman, voyons comment M. Rossetti en explique l’exposition. La forêt sauvage et remplie de bêtes féroces figure, comme dans les poèmes de Dante et des autres écrivains ses contemporains, l’Italie devenue la proie des papes et de la barbarie. La jeune fille est la Secte avec laquelle Frédéric Ier contracte une union secrète ; la Secte se disait l’épouse de l’empereur, par opposition à l’Église dite épouse du pape. La mère de la jeune fille indique les sectes antérieures qui régnaient depuis long-temps en Italie, et que Frédéric modifie et renouvelle dans son intérêt, par l’intermédiaire de la jeune fille et par le fils qu’il en a. Cet enfant de sang tout à la fois impérial et populaire est l’emblème du jargon, de l’argot de la secte. On le nomme Urbano, c’est-à-dire le représentant, l’organe de la classe bourgeoise, tandis que le fils de l’impératrice, son frère par consanguinité paternelle, est appelé Speculo comme devant être le miroir où ira se réfléchir tout ce que dira ou fera Urbano. Enfin l’hôtellier, le père de la jeune fille, figure l’ensemble de la population, le peuple qui ignore d’où vient l’argot qu’il adopte. Reprenons maintenant l’analyse du roman.

« Les deux jeunes gens, Speculo et Urbano, élevés avec soin,