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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

Ond’ ell’ a me : perentro i miei desiri
    Che ti menavano ad amar lo bene
    Di là dal qual non è a che s’aspiri,
Quai fosse attraversate o quai catene
    Trovasti, perche del passare innanzi
    Dovessiti cosi spogliar la spene ?
E quali agevolezze, o quali avanzi
    Nella fronte degli altri si mostraro,
    Perche dovessi lor passegiare anzi ?
Dopo la tratta d’un sospiro amaro,
    A pena ebbi la voce che rispose
    E le labbra a fatica la formaro.
Piangendo dissi : le presenti cose
    Col falso lor piacer volser mie’ passi,
    Tosto che ’l vostro viso si nascose.
Ed ella : se tacessi, o se negassi
    Ciò che confessi, non fora men nota
    La colpa tua ; da TAL giudice sassi.


« Ô toi qui es sur l’autre rive du fleuve sacré, dirigeant vers moi la pointe de ton discours dont le taillant m’avait déjà paru si douloureux, dis, continua-t-elle sans s’arrêter, dis si cela est vrai ; car à une si grande accusation doit se joindre un aveu. — Mon courage était si abattu, que quand je voulus faire usage de ma voix, elle s’éteignit dans mon gosier. Béatrice ne supporta pas long-temps mon silence : Que penses-tu ? dit-elle, réponds-moi, car le souvenir de tes fautes n’a point encore été entamé par les eaux du Léthé ! — La crainte et la confusion m’arrachèrent un tel oui de la bouche, qu’il fallut le secours des yeux pour le saisir sur mes lèvres. Comme un arc se rompt quand la corde est trop tendue, et que la flèche ne parvient pas au but, je me débarrassai du lourd fardeau qui m’accablait, en laissant échapper soupirs et pleurs qui m’ôtèrent l’usage de la voix. — Mais elle me dit : Quand tu m’as aimée, et que cet amour te conduisait à chérir le bien qui comprend tous les autres, et au-delà duquel le désir ne peut pas aller, quelles chaînes, quels obstacles t’ont empêché d’aller plus avant ? et pourquoi as-tu cru devoir abandonner toute espérance ? quels charmes, quels avantages ont donc brillé sur le front des autres, pour que tu aies pris le parti de te tenir auprès d’eux ? — Après avoir tiré un soupir amer de ma poitrine, et trouvant à peine de la voix pour répondre, mes lèvres s’émurent péniblement, et je dis en pleurant : Les choses du moment, par l’attrait de leurs faux plaisirs, ont détourné mes pas dès que votre figure s’est cachée. Et elle : Quand tu aurais tu ou nié ce que tu confesses, ta faute n’en serait pas moins connue ; un tel juge la sait ! »