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L’espèce de dédain avec lequel le commentaire de M. Rossetti a été reçu n’a donc aucun fondement raisonnable, car ce critique n’a fait directement le procès d’aucun de ses prédécesseurs ; il s’est répété courageusement à lui-même ce que tous les autres avaient dit précédemment : je n’entends et l’on n’entend absolument rien à la partie allégorique, théologique ou mystique, des écrits de Dante ; il faut le relire avec soin et emprunter des lumières nouvelles pour parcourir ce labyrinthe, jusqu’ici inextricable.

On sait déjà quelle est la nature des travaux historiques que M. Rossetti a faits pour asseoir solidement les nouvelles études qu’il voulait accomplir ; maintenant venons aux recherches littéraires où il a été conduit.

Elles ont pour objet principal l’analyse des ouvrages des trois chefs littéraires, selon M. Rossetti, de la secte gibeline ou anti-papiste, Dante, Boccace et Pétrarque, trois astres enfin autour desquels tournent toutes les étoiles poétiques qu’ils éclairent. Le travail du critique sur ce sujet est savant, substantiel, très curieux, mais il manque d’ordre, et il faut déjà être très versé dans les matières qu’il traite et dans la lecture des poètes des xiiie et xive siècles qu’il cite, pour saisir toutes les conséquences qu’il en tire, et reconnaître ce qu’il peut y avoir de vrai dans les conclusions qu’il prend. Partant de ce fait qu’il s’est efforcé de prouver, que, depuis la publication de l’Apocalypse, on n’a pas cessé de s’élever contre les excès des papes et de l’église romaine, en employant, pour se soustraire aux poursuites de l’autorité régnante, un langage figuré et apocalyptique, il avance que cet usage a pris une consistance régulière, a reçu même les formes conventionnelles d’un langage tout à la fois figuré par des signes et par un jargon, à partir de l’époque où les Patarini, Albigeois, anti-papistes enfin, persécutés à toute outrance en Europe, eurent recours à ce moyen pour faire triompher leurs opinions en les publiant sous un voile, et pour se soustraire aux supplices qui les attendaient, en parlant entre eux une langue inintelligible à leurs adversaires. Ces évènemens, nous le répétons, avaient lieu précisément vers le commencement du xiiie siècle, où se formaient la langue et la poésie italiennes, et lorsque les démêlés entre les empereurs d’Allemagne et