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REVUE. — CHRONIQUE.

qu’avec le titre d’ambassadeur extraordinaire. On cherche à l’entourer de tout l’éclat nécessaire pour la remplir, et après un séjour de quelques mois, si les circonstances n’exigent plus sa présence, il sera remplacé par un ambassadeur. Le ministère espagnol actuel, composé de modificantes ou pastelleros, est parfaitement en harmonie avec les opinions politiques de M. Decazes ; mais ce ministère durera-t-il long-temps ? Nous en doutons.

Voici l’ordre des travaux de la chambre dans cette quinzaine : elle a d’abord discuté sans attention une loi municipale pour la ville de Paris, qui n’empêchera pas la ville de Paris d’être administrée arbitrairement par son préfet, gouvernée par sa police, et d’être tenue dans l’ignorance complète de ses affaires. La chambre dormait ou causait pendant cette discussion, comme s’il eût été question de voter les frais d’un coq de plomb pour un clocher de village. La distraction de la chambre ou son indifférence était si forte, qu’elle a accordé au ministère encore plus de latitude qu’il n’en demandait, quoiqu’il eût fait sa part fort large comme de coutume, sur quoi M. d’Argout se leva et dit ironiquement qu’il adhérait au vote de la chambre. M. d’Argout se pose de plus en plus comme un homme d’esprit.

Puis la chambre a aboli les majorats fondés par Napoléon, d’où il résulte que la noblesse établie sur ces majorats, et les titres qui en sont inséparables, doivent en même temps disparaître. La chambre des pairs, saisie maintenant du projet de loi, adopté par l’autre chambre, a nommé, pour l’examiner, une commission composée en grande partie de nobles de l’empire. Il est vrai que la chambre des députés vient, de son côté, de nommer M. Persil, rapporteur du projet de loi contre les crieurs publics. Les notions d’impartialité et de justice s’effacent tout-à-fait de nos mœurs politiques.

La chambre a ensuite rejeté la demande d’une pension en faveur des veuves des généraux Gérard et Daumesnil. La pension demandée pour les veuves du maréchal Jourdan et du général Decaen ont seules été accordées par la majorité. On assure que les doctrinaires se sont plu à jouer ce malin tour à M. Dupin, qui s’était activement employé pour la veuve Daumesnil ; et afin que l’élévation d’esprit et la noblesse d’ame ne manquent de part ni d’autre dans cette affaire, M. Dupin se dispose, dit-on, à rendre aux doctrinaires la pareille, en faisant voter la chambre contre une loi qui les intéresse, celle des pensionnaires de l’ancienne liste civile. Le courage et l’animosité de ces messieurs s’exercent sur de malheureuses femmes qui réclament le prix du sang de leurs maris, sur des misérables qui manquent de pain, et qui implorent la pitié de la nation. Disons, pour en finir de ce