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la ligne du nord, se conduisit si vaillamment, que l’ennemi, rendant justice à son caractère, lui conserva la dotation impériale qu’il avait dans les provinces du Rhin. Depuis ce temps, le roi de Prusse a eu l’occasion de voir fréquemment le maréchal Maison, dont les possessions touchent au terrain où les grandes manœuvres d’été s’exécutent, et ces rapports n’ont pas été inutiles au maréchal près de l’empereur Nicolas. D’après une lettre particulière, écrite par notre ambassadeur, il paraît que l’empereur n’était nullement au courant des affaires de la France, qu’elles lui avaient été présentées sous un jour complètement faux, et qu’une conversation soutenue par le maréchal avec la brusque franchise qu’on lui connaît, lui a valu l’accueil public qui a causé tant d’étonnement en Allemagne. Nous aimons à le croire, mais nous savons par expérience que nos ambassadeurs et nos ministres ne sont pas toujours les mieux informés de ce qui se passe dans la plus haute région du cabinet ; et ainsi qu’une promesse verbale faite à Londres a facilité les négociations de M. de Talleyrand, il se pourrait que la correspondance autographe eût porté à Saint-Pétersbourg des engagemens que tout le monde ignore. La suite nous l’apprendra.

Quand M. de Rayneval fut nommé ambassadeur à Madrid, il se rendit, comme il est d’usage, près de M. Casimir Périer, alors président du conseil, pour lui demander ses instructions. M. Périer, qui n’était pas très bien informé des affaires de l’Espagne, et qui s’entendait fort peu à la politique étrangère, se contenta de lui dire : « Mais vous savez cela mieux que moi. Faites ce qui vous plaira, faites pour le mieux ! » Et M. de Rayneval quitta le ministère en riant et en disant : « Je vous promets de leur donner tant d’embarras chez eux, qu’ils ne vous causeront pas d’inquiétudes. » M. de Rayneval a tenu parole, mais les inquiétudes sont venues cependant. Tant que M. Zéa-Bermudez, le ministre de Ferdinand vii, a conservé le pouvoir, la royauté de juillet n’a pas conçu d’effroi de la révolution espagnole ; mais depuis qu’il a passé à Martinez de la Rosa et à ses amis, on entrevoit qu’il pourrait tomber bientôt aux mains d’hommes moins modérés, et l’on trouve que les Pyrénées ne sont pas assez hautes. Le gouvernement des barricades voulait à toute force maintenir le régime absolu en Espagne, mais un despotisme éclairé, disait-il, c’est-à-dire obéissant à ses inspirations. La Russie tenait d’ailleurs à M. Zéa ; et comme on veut plaire maintenant à la Russie, M. de Rayneval sera rappelé pour n’avoir pas défendu M. Zéa avec assez de zèle. La réception faite au maréchal Maison vaut bien le rappel de M. de Rayneval. C’est M. Decazes qui se rend à Madrid pour remplir le poste laissé par M. de Rayneval, mais M. Decazes n’a consenti à accepter cette mission