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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Guizot et M. de Broglie avec le maréchal Soult. Une autre négociation, plus secrètement entamée par M. Guizot, portait également le maréchal Gérard à la présidence et à la guerre, et poussait dehors M. Thiers et M. d’Argout. Ainsi tous les efforts se réunissaient contre le maréchal Soult, sauf à s’entendre ensuite ; et pour en finir plus tôt, on convint de traîner le vieux maréchal devant cette commission du budget, composée avec tant de sollicitude.

En attendant, le Journal des Débats se prononçait hautement contre les crédits supplémentaires du maréchal Soult, et engageait la chambre à les rejeter. Or on savait, au Journal des Débats comme ailleurs, que le maréchal avait fait pour ses supplémens de crédit le même serment que pour son traitement, qu’il ne veut abandonner qu’à la mort. Il avait juré de se faire enterrer sous ses soixante-dix millions.

Il faut redouter les vieux généraux de la trempe du maréchal Soult. Ils ont toujours quelque pièce en réserve dans leur gibecière. Il n’est pas de renard blanchi qui eût échappé à une meute semblable à celle qui faisait entendre sa voix au conseil et dans le conciliabule des doctrinaires. Le maréchal n’a pas été un seul instant effrayé du péril ; il l’a mise tout entière en défaut, et peut-être, avant peu, sera-t-il appelé à présider un nouveau ministère.

Le maréchal Gérard pouvait inspirer quelques inquiétudes au maréchal Soult ; mais on venait de prononcer la dislocation définitive de l’armée du nord, et le maréchal Gérard, qui jouissait encore d’un traitement de 150,000 francs comme général en chef, a conservé ce traitement à la demande et sur les ordres exprès du maréchal Soult. Or une situation tranquille et un traitement de 150,000 francs valent bien un traitement de 60,000 francs et les soucis du ministère.

La commission du budget, où des paroles sévères attendaient, dit-on, le maréchal, fut préalablement tâtée par M. Martineau de la Chenetz et d’autres personnes attachées au ministère de la guerre et à la chambre. On annonça individuellement aux commissaires que le maréchal n’était pas un homme intraitable comme on le pensait, qu’il ne répugnait nullement à se présenter en personne devant la commission ; qu’il tenait même beaucoup à la voir, et promptement, si promptement, qu’on ne voulut pas laisser aux commissaires le temps d’approfondir la question du budget et de se former des objections solides. Le ministère demanda à comparaître le lendemain. Le lendemain, en effet, il se rendit devant les délégués de la chambre.

Le maréchal Soult parla le premier, et dit en peu de mots que, désirant éviter toute difficulté avec la chambre, il venait pour s’entendre avec