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mais nous tâcherons de les tenir à leur juste valeur, et d’éviter la redite des anciennes leçons. Voilà, en aussi peu de mots que possible, ce que nous voulons ; cela nous paraît d’accord avec ce désir de connaître, si universellement senti dans toutes les classes, et nous nous mettons en marche, soumis en même temps à la pensée du public et à la nôtre. » Que dire de plus sage ? un langage aussi simple et aussi ferme ne saurait être tenu que par des hommes qui trouveront dans leurs convictions la puissance de l’exécution et de la persévérance. Ils ont su communiquer à d’autres cette foi qui fortifie et attire les hommes : tous les jours des savans célèbres viennent leur offrir leur concours ; des jeunes gens d’un talent plein d’avenir affluent ardemment ; les travailleurs se multiplient ; les rangs s’organisent ; il se forme un bataillon sacré pour l’instruction du peuple.

Mais faudrait-il craindre que cette vaste diffusion des connaissances altérât la grandeur de la science, de l’art, de l’érudition ? que l’étendue fît obstacle à la profondeur, et que les flots toujours grossissant de la foule instruite diminuassent l’élite des grands hommes ? Il n’y a pas de danger, car les progrès de l’humanité n’ont jamais compromis que la médiocrité. Il est vrai que les conditions de la grandeur individuelle deviennent plus dures et plus sévères ; mais cette grandeur augmentera au lieu de décroître, puisque, pour être, les grands hommes auront besoin de grandir encore.

Croire à la dégénérescence du génie, c’est dégrader l’esprit même qui n’en est qu’une diminution ; abdiquer volontairement quelques-unes des parties de la grandeur humaine, c’est à la fois faire les honneurs de l’humanité et les siens ; c’est trop de la moitié.

Mais la grandeur humaine varie, mais en variant elle augmente ; sans doute il est quelques-unes de ses faces qui peuvent pâlir dans un siècle pour reprendre dans un autre plus de couleur et de vie ; mais le temps ne fait que mûrir et fortifier les racines même du genre humain ; il ne les corrompt pas ; il remplace par des récoltes nouvelles les fruits dont l’espèce peut manquer ou s’amoindrir passagèrement.