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mais en méthode. Il fut un temps où l’émission de sa pensée s’accomplissait par une force latente et désordonnée, où la lumière s’interrompait tout à coup pour faire place à des ténèbres que venaient bientôt couper d’autres éclairs ; mais enfin la pensée de l’auteur, toujours profonde, n’évitait pas toujours d’être indigeste et diffuse. Aujourd’hui la lumière est également répandue sur toutes les parties du style et des idées ; et la transparence des formes n’est pas inférieure à l’immensité du fond. Le beau fragment philosophique, intitulé : De la loi de continuité qui unit le dix-huitième siècle au dix-septième, n’a pas moins de lucidité que de grandeur. À côté de cet esprit panthéiste, dont l’étendue est, pour ainsi parler, la forme particulière, figure par un contraste plein de convenance le talent aussi fort, mais plus svelte et plus dégagé de M. Reynaud. Cet écrivain plein d’éclat a quelque chose de mâle et de plébéien dans son style et la conception de ses idées ; il unit à des connaissances spéciales et exactes une imagination nerveuse dont les effets sont pleins de vigueur et de simplicité ; parfois, au milieu de ses pages où il s’échauffe sur les intérêts du peuple et du genre humain, on dirait Spartacus ayant rompu ses fers. Rien de plus éloquemment patriotique que l’espèce d’oraison funèbre que lui inspira récemment la mort de Merlin de Thionville ; il n’est pas rare d’y trouver des lignes aussi belles que celles-ci : « La politique de Dieu dépasse toutes les nôtres : les hommes, sous sa main, ne sont que des tranchans qu’il prend ou dépose suivant chaque détail de son œuvre éternelle ; mais ils se doivent à eux-mêmes, et ils doivent à Dieu d’attendre patiemment qu’il les appelle et de ne point fausser leur nature pour s’immiscer en des choses où ils n’ont pas qualité. » L’association de MM. Leroux et Reynaud, si efficace et si heureuse dans la Revue Encyclopédique, ne nous semble pas promettre de moins bons résultats dans leur nouvelle entreprise.

Les dix-huit premières livraison de l’Encyclopédie à deux sous renferment d’excellens fragmens qui doivent nous inspirer de hautes et justes espérances pour ce qui concerne l’ensemble du monument à élever : elles sont occupées par la première partie des mots si nombreux que commence la lettre A. Le philosophe Abeilard est bien posé ; le mot Abstraction est expliqué clairement ; la des-