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LITTÉRATURE ANGLAISE.

C’était aussi une œuvre de talent. La vie du poète, placée en tête de l’édition, est pleine de sensibilité, de raison et de savoir. L’auteur donne à Burns le rang qu’il mérite ; il sait qu’il a plus d’un obstacle à vaincre, plus d’un préjugé à surmonter : ceux des savans, qui ne veulent pas reconnaître le génie s’il n’a traversé la cour d’un collége ; des gens du monde, qui préfèrent aux élans de la nature les feux d’artifice et les faux brillans du bel esprit ; des hommes politiques que le penchant révolutionnaire de Burns avait offensés ; enfin, ceux des poètes secondaires de l’époque, très peu d’humeur à souffrir qu’un paysan les dépassât de toute la tête, et s’élevât comme un géant au milieu de leur foule turbulente et inférieure.

Currie, tout en ménageant les adversaires naturels que ses opinions devaient trouver, exprime son sentiment avec noblesse. Quelquefois il se croit obligé d’avoir recours au ton de l’apologie, mais jamais il ne lui arrive de déguiser la vérité et d’abandonner la cause du paysan-poète.

L’ouvrage se compose de fragmens détachés, qui se répètent souvent, et qui n’offrent pas au lecteur une narration suivie. C’est là un notable défaut. Mais qui ne serait charmé du ton de candeur, de sensibilité, de bienveillance qui respire dans l’ouvrage de Currie ? Rien de plus caractéristique et de plus vrai que son tableau de la vie rustique en Écosse. L’auteur ne s’est pas contenté de la peindre, il l’a sentie. On voit que les mélodies nationales vibrent dans son ame, et qu’il les a répétées souvent ; que nos promenades nocturnes, nos amours écossais ne lui ont pas été inconnus ; qu’il a soupé dans la grange et dans l’étable ; qu’il a pris part à la joie et aux aventures des veillées nocturnes. Cet homme généreux, cet écrivain remarquable mourut trop tôt pour ses amis et sa patrie : mais il avait eu le bonheur d’assurer par son beau travail l’existence de la famille que le poète avait laissée sans ressource.


À peine parlerons-nous de William Hailey, que l’on a vanté comme poète et comme prosateur, et dont les ouvrages froids, mesurés, polis avec soin, mais secs et vides, n’ont pas laissé de souvenir. Point de grace, point d’abandon, nulle originalité. La vie du poète Cowper et celle du peintre Romney sont, comme les Triomphes du Caractère, le plus célèbre des poèmes de l’auteur, d’une honnête et désespérantes médiocrité.


William Gifford a écrit l’abrégé de sa propre vie qui se trouve à la tête d’une bonne traduction de Juvénal, et une excellente biographie de Ben Johnson, l’auteur dramatique. La manière dont Gifford parle de lui-même, de sa jeunesse pauvre, et des efforts qu’il fit pour sortir de cette situation, nous intéresse par la modestie, la simplicité, et cette absence