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à chaque ligne, le ministre se condamnait à dire que l’Italie ne devait pas inspirer la moindre inquiétude, que la diète de Francfort n’avait jamais songé à attaquer l’indépendance des états secondaires de l’Allemagne, que la seule question importante, celle d’Orient, se présentait sous un aspect rassurant ; que le traité de Constantinople ne changeait rien aux affaires, que l’ordre légal régnait à Lisbonne, que l’Espagne devenait tranquille, en un mot que tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles. Et quand le ministre, écrasé sous ces paroles d’optimisme, tomba en défaillance, M. Thiers escalada joyeusement les degrés de la tribune, et vint encore renchérir sur son collègue.

Dans son discours, M. Thiers invoquait la force de l’opinion. Il faut bien reconnaître cette force de l’opinion et lui rendre hommage. C’est elle qui a réduit M. Thiers à n’avoir aucune importance dans la chambre, et à n’être écouté que comme un homme d’esprit, amusant, ingénieux parfois, mais toujours sans conséquence. Si M. Thiers n’a jamais d’autre raison pour se retirer que ce mouvement de conscience qui portait, il y a peu de jours, M. de Broglie à donner sa démission, on peut prédire à M. Thiers un long ministère. Pour M. de Broglie, dominé encore une fois par l’ascendant de M. Guizot, il s’est décidé à garder son portefeuille qui doit lui sembler bien lourd aujourd’hui.

De tous ces débats, il est résulté une adresse dont chaque mot est un blâme de la conduite des ministres, et que le ministère a été forcé d’accepter. Nous le répétons, cette adresse doit peser d’autant plus cruellement sur le ministère, que dans la discussion qu’elle a fait naître, il a vu repousser son candidat à la vice-présidence, qu’il a été forcé de le désavouer hautement, de blâmer ses discours officiels, de renoncer au projet sur les forts détachés, à toute modification de l’institution du jury ; que les ministres ont été obligés de venir se réfuter les uns les autres, et enfin que l’un d’eux a été mortellement blessé sur le champ de bataille. En Angleterre et dans tout gouvernement représentatif qui ne serait pas illusoire, un tel ministère eût déjà disparu et pris la fuite au bruit des sifflets de la nation.

Un grand bal a eu lieu cette semaine au château des Tuileries. Dès huit heures du soir, une foule immense remplissait les appartemens et envahissait jusqu’au grand salon, où le roi était occupé à donner audience au corps diplomatique. On a remarqué, dans ce bal, l’absence du duc d’Orléans qui est parti pour Bruxelles, et la présence de M. Mauguin et d’un certain nombre de membres de l’opposition. La manière tout au moins très franche et très loyale dont M. Odilon Barrot et M. Mauguin se sont déclarés partisans de la monarchie constitutionnelle, les