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HISTOIRE MODERNE.

acheté par nous, est divin de justice et de moralité. La puissance du sacrifice n’est pas éteinte. Ce siècle n’est pas plus qu’un autre déshérité de dévouement. Le droit éternel a ses fidèles qui le suivent jusqu’à la mort. De nos jours nous en avons connu qui couronnèrent une vie pure d’une fin héroïque. Nous n’avons pas connu ceux qui, aux siècles antiques, donnèrent leur vie pour leur foi. Mais pourtant, nous aussi, nous avons vu, touché des martyrs. Leurs reliques ne sont ni à Rome, ni à Jérusalem ; elles sont au milieu de nous, dans nos rues, sur nos places ; chaque jour nous nous découvrons devant leurs tombeaux.

Quels que soient nos doutes, nos incertitudes, dans ces âges de transition, croyons fermement au progrès, à la science, à la liberté. Marchons hardiment sur cette terre, elle ne nous manquera pas ; la main de Dieu ne lui manque pas à elle-même. Nous sommes toujours, croyez-le bien, environnés de la Providence. Elle a mis en ce monde, comme on l’a remarqué pour le système solaire, une force curative et réparatrice qui supplée les irrégularités apparentes. Ce que nous prenons souvent pour une défaillance est un passage nécessaire, une crise périodique qui a ses exemples et qui revient à son temps.

C’est à l’histoire qu’il faut se prendre, c’est le fait que nous devons interroger, quand l’idée vacille et fuit à nos yeux. Adressons-nous aux siècles antérieurs ; épelons, interprétons ces prophéties du passé ; peut-être y distinguerons-nous un rayon matinal de l’avenir. Hérodote nous conte que je ne sais quel peuple d’Asie, ayant promis la couronne à celui qui le premier verrait poindre le jour, tous regardaient vers le levant ; un seul, plus avisé, se tourna du côté opposé ; et en effet, pendant que l’orient était encore enseveli dans l’ombre, il aperçut vers le couchant les lueurs de l’aurore qui blanchissait déjà le sommet d’une tour !


Michelet.