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Il serait injuste de chercher une appréciation exacte du talent de Roscoe dans ces pages amères. Amis et ennemis l’ont également mal jugé. Le premier il nous a fait connaître l’Italie au xvie siècle ; avant lui, le prêtre-roi qui siège au Vatican était pour la plupart des Anglais une espèce de monstre idéal et de chimère horrible. Quelques voyageurs éclairés étaient parvenus à se débarrasser de ces préjugés barbares ; mais la masse y était encore asservie. Alors Roscoe se présenta environné de documens précieux, recueillis avec soin, disposés avec art ; son tableau du Vatican sous les Médicis parut brillant, caractéristique et agréable. Sa pensée, qui manque de profondeur, de force, d’originalité, est toujours claire, exprimée avec une certaine grace tranquille, qui ne s’élève ni ne s’anime jamais, soit qu’il parle d’une médaille bien frappée ou d’une action tragique, d’un sonnet agréablement tourné ou de cette révolution religieuse qui, pénétrant jusque dans les caveaux du château Saint-Ange, arracha quelques-uns de ses plus beaux domaines au pape Léon x. La diction de Roscoe n’a rien de libre, de grand, de nouveau ; il disserte avec goût, avec élégance, d’une manière correcte, quelquefois ingénieuse et rarement obscure ; sa parole est étudiée, l’impulsion et la verve lui manquent.

Philanthrope et orateur, Roscoe essaya d’effacer cette tache flétrissante de la Grande-Bretagne, la traite des noirs. De Liverpool qu’il habitait, son influence s’étendit au loin. J’ai lu quelques fragmens d’un mémoire qu’il voulait consacrer à la vie du poète Burns ; mémoire que l’indignation avait dicté, et qui devait flétrir l’ingratitude de cette patrie, marâtre pour son enfant le plus glorieux. Les passages que l’on m’a montrés m’ont paru beaucoup plus remarquables par la pompe des mots que par la véritable éloquence.

Comme poète, Roscoe n’a pas reçu moins d’éloges que comme prosateur ; c’est la même faiblesse de pensée, la même facilité de style, le même essor doux et soutenu. Né d’une famille obscure et pauvre, il s’éleva par son seul mérite, protégea les arts, fut l’ami et le patron du peintre Fuseli, consacra ses loisirs à tout ce que la culture des lettres offre de plus élégant et de plus noble, se montra généreux et bienveillant pour les enfans de la muse, et leur ouvrit sa bourse et sa maison, tant que les sourires de la fortune lui permirent de se livrer aux penchans de son cœur[1].

  1. Roscoe est un historien froid qui n’a guère senti le mouvement artistique et commercial de l’Italie, et qui n’a d’autre mérite qu’un style pur et une érudition assez étendue.

    M. Allan Cunningham, dans ses esquisses biographiques et littéraires, a oublié plusieurs noms très remarquables que la postérité n’oubliera pas. L’histoire de la