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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

faisais de la mythologie, je représenterais l’amour borgne, et l’amour-propre aveugle.

Les Chroniques de M. Dumas sont une suite de scènes, de petits drames où la narration alterne avec le dialogue. L’auteur s’y montre, à la fois et tour à tour, chroniqueur, peintre descriptif, machiniste, décorateur et auteur dramatique. Il y répand à profusion, comme dans ses grands drames, la vie et l’intérêt. Plus remarquables par l’exécution que par l’invention, par les détails que par l’ensemble, n’y cherchez pas le résumé d’un règne, la synthèse d’une époque. Ce sont des pierres précieuses, de petits diamans, ramassés çà et là dans le riche fouillis de nos vieux et naïfs chroniqueurs, et dont M. Dumas, avec l’esprit d’assimilation qui le distingue, s’empare, en les polissant, les taillant, et les enchâssant ; habile lapidaire qui embellit tout ce qu’il touche, et a souvent l’art de faire prendre du faux pour du vrai. Le moment, au reste, n’est pas encore venu d’apprécier justement cette publication, à peine commencée.

Pour se préparer à ce travail, M. Dumas a dû étudier nos annales. À la différence des élèves de l’Université qui connaissent mal l’histoire de France, élève d’un curé de province, il ne la connaissait pas du tout ; disposition plus favorable pour l’apprendre sainement. Né dans un drapeau de la république, homme de progrès et de liberté, quel a été son étonnement de voir de ses propres yeux que le progrès ne datait pas d’hier, et que la liberté était plus vieille que le spectre de 93 ! Avec la naïveté d’un enfant et l’étourderie coupable au moins de la moitié de ses fautes, il a voulu faire part à ses lecteurs habituels de ses découvertes historiques. Voltaire, génie profondément critique, mais intentionnellement sceptique et faussaire, mettait en circulation les idées de son siècle. Vulgarisateur à sa manière, M. Dumas, nullement critique, intentionnellement véridique et croyant, a battu monnaie avec quelques idées de son époque, celles de Thierry et de Châteaubriand, par exemple ; donnant aux unes sa chaleur et aux autres sa forme. Mais, par malheur, le coin ici s’est trouvé moins puissant que le lingot, et l’empreinte est sortie superficielle et sans caractère. Le dramaturge n’était plus sur son terrain. Gaule et France est un livre estimable comme pastiche, faible comme his-