Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
REVUE DES DEUX MONDES.

À la droite de Richard, nous trouvons Thompson, intrigant de bas étage, ambitieux subalterne, qui pousse son patron d’un comptoir à la tribune, de la tribune au ministère, de lâcheté en trahison, et de trahison en crime ; — à sa gauche, inconnu, le bon ange, la conscience, Mowbray, qui veille sur son fils sans se faire connaître, cherchant à l’arrêter au bord du précipice, qui n’a qu’un mot à dire pour dénouer le crime et le drame, et qui ne dit ce mot que lorsque tout est consommé, drame et crime : — Tu es mon fils, et je suis le bourreau ! J’avoue que je ne crois pas qu’il soit possible de faire quelque chose de plus maladroit que la conscience dans cette pièce. En général, visible ou invisible, M. Dumas fait assez mal parler ce personnage.

Dans Richard d’Arlington, l’auteur a déployé toute l’habileté de mécanisme qui le caractérise. Ce drame est tissu avec un art infini. Rouages, ressorts, caractères, tout s’emboîte, s’enchaîne et se développe avec aisance et précision, dans les détails et dans l’ensemble. La curiosité se soutient ; l’intérêt progresse. Mais, comme on pouvait le prévoir, peu de développement interne, nulle profondeur ; toute vie est à la surface, tout mouvement à fleur d’ame. L’exécution s’est trouvée plus forte que la conception. Le dramaturge a effacé le moraliste. M. Dumas a tué M. Dinaux.

À la suite de Richard d’Arlington se présente naturellement le dernier ouvrage de M. Dumas, ce drame qui vient d’obtenir, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, un si brillant succès d’intérêt et de larmes. Angèle est, en effet, le pendant de Richard, comme Térésa est celui d’Antony. Alfred d’Alvimar, héros de la nouvelle pièce, est un ambitieux comme Richard, avec cette différence qu’au lieu de passer par les élections et la tribune pour arriver au pouvoir, c’est à travers les salons et les boudoirs qu’il se fraie un passage à la fortune et aux honneurs. L’ambitieux du gouvernement représentatif a fait place à l’intrigant de la régence, type du dix-huitième siècle, qui ne se trouve plus que par échantillon dans le nôtre ; exception curieuse à mettre en scène pourtant, car le drame vit d’exceptions presque autant que de généralités. L’Échelle de femmes, tel devait être le premier titre de cette pièce. Mais il est arrivé pour Angèle ce qui est arrivé pour Richard, ce qui arrivera pour tous les ouvrages de