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Henri iii. Malgré la lenteur de l’exposition et la fantasmagorie du premier acte, malgré peut-être la nouveauté de la partie historique, ce drame obtint un immense succès d’intérêt et de larmes, grace au dramatique qui alterne avec l’histoire, grâce au dénouement pathétique et déchirant qui couronne le tout. Comme contexture, comme composition, cette pièce indique assez ce que pourra faire l’auteur. Bien qu’on aperçoive, par ci par là, les coutures du drame à l’histoire, cependant tout s’enchaîne, tout se lie, tout se développe naturellement et sans effort. Nous abrégeons nos observations sur ce point : l’occasion se présentera plusieurs fois à nous de faire remarquer l’art avec lequel M. Dumas combine son œuvre, la perfection à laquelle il atteint dans le mécanisme du drame.

La soirée de Henri iii fut un moment fatal, décisif dans la vie de notre auteur. Qu’était-il la veille ? — Un expéditionnaire qui se mêlait de littérature, un fou ? C’est trop noble ! Un niais ? peut-être. Une énigme ? sans doute. Et il se retrouvait poète, une tribune sous les pieds, un monde à qui parler ; et puis là bas, au fond, au-dessous de lui, l’applaudissant, malgré eux, avec la foule, les princes et les bureaucrates, ses tyrans de la veille, ses flatteurs du lendemain.

Ici se termine la première phase de son existence. Avant de le suivre dans la seconde, nous devons dire un mot d’une pièce qui, bien que jouée plus tard, se rapporte à la phase précédente. Huit mois avant Henri iii, Christine avait été reçue à corrections au Théâtre-Français. C’était alors une tragédie en cinq actes, emprisonnée dans les trois inévitables unités. C’était la pièce que vous connaissez, moins le prologue si piquant et si fin, moins l’épilogue, si grand et si funèbre ; moins le rôle de Paula, si ravissant et si dévoué. Mais on y trouvait dès lors Christine abdiquant le trône par caprice, comme on quitte un amant, et le regrettant par ennui après l’avoir quitté ; Christine, coquette d’esprit, pédante de cœur, passionnée dans son amour, terrible dans sa jalousie. Mais on y retrouvait déjà Sentinelli, si beau dans ce fameux monologue où M. Dumas a peut-être surpassé Goethe en l’imitant ; Monaldeschi, rôle neuf au théâtre, si hardi dans sa vérité, si vrai dans sa lâcheté ; Sentinelli et Monaldeschi en face l’un de l’autre, dans la