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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

Il y a quelques années, on se proposait en France la connaissance exclusive du moyen-âge ; on formait une espèce de cercle fatal autour de l’objet qu’on voulait étudier ; on s’y enfermait comme dans une chapelle bien close ; au milieu de cette préoccupation, peu s’en fallut qu’on n’oubliât et les temps qui avaient précédé et les temps qui suivaient le moyen-âge, la nature et l’humanité. Or cette disposition, non-seulement nuisait à une compréhension générale des choses ; mais même elle n’était pas favorable à l’intelligence unique de cette époque dont on se montrait si entêté. Ce ne sont pas les tournois chevaleresques, les tourelles, les reliques et les coquilles de pèlerin qui constituent le moyen-âge ; il est tout entier dans le progrès moral dont l’entente suppose la connaissance de l’époque précédente, c’est-à-dire de l’antiquité. Il est encore dans ces indices si frappans d’œuvre incomplète et inachevée qui appellent les progrès ultérieurs de la sociabilité moderne. Plus on a vu de choses contraires, mieux on les sent, mieux on les pénètre : ainsi la vue antérieure du Panthéon d’Agrippa redouble les émotions que vous éprouvez au sein du cloître de Cantorbéry.

L’humanité ne se laisse pas enfermer dans les compartimens où voudraient la tenir les regrets, les préoccupations et les désirs qui n’ont pas leur racine dans la généralité même de l’esprit humain. Autant nous consentons aux sincères doléances, aux nobles tristesses que font naître dans quelques ames les catastrophes accumulées des institutions qui ont perdu leur puissance sur le monde, autant nous réprouvons avec véhémence ces obstinations étroites qui s’acharnent à lier la fortune de ce qui doit toujours vivre avec ce qui ne peut plus renaître. Que dire, par exemple, de ces tentatives d’éterniser la religion et l’unité sociale dans la papauté romaine, au moment où cette papauté romaine est convaincue d’avoir maudit l’intelligence et la liberté[1], au moment

  1. On peut s’enquérir à fond des rapports actuels de la papauté romaine avec les peuples, dans Rome Souterraine, que vient de publier M. Charles Didier. Espérons que ce roman, où brille un amour si noble et si poétique de la philosophie et de la liberté, sera suivi d’un tableau historique de l’Italie moderne que l’auteur connaît si bien.