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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

que contiennent d’essentiel les travaux de ses devanciers tant philologues que traducteurs, et il y ajoute ses propres recherches fécondes en rapprochemens ingénieux et nouveaux.

Le traducteur de Tacite connaît à fond la structure, les propriétés de notre langue, et tout le parti qu’en ont su tirer nos grands et bons écrivains : il connaît les rapports intimes entre l’idiome latin et le nôtre, l’espèce d’empire exercé par le génie de l’antique Italie sur notre littérature : nous eussions désiré que, dans son introduction, à laquelle nous n’avons d’autre reproche à faire que sa brièveté, il eût suivi depuis l’origine jusqu’à nos jours, depuis Balzac, qu’il a beaucoup lu, jusqu’à M. de Châteaubriand, l’influence qu’ont reçue de la plume et de la manière de Tacite nos grands écrivains. Nul n’avait plus d’autorité que M. Burnouf pour écrire ce travail à la fois littéraire et historique, où devraient comparaître tour à tour Montaigne, Balzac, ce précurseur de Bossuet, l’évêque de Meaux se faisant une langue avec autant de puissance que Tacite lui-même, l’auteur de Britannicus, l’auteur d’Othon, Montesquieu, D’Alembert, Rousseau, Camille Desmoulins, Joseph Chénier, M. de Châteaubriand.

Une des choses qui nous paraissent avoir le mieux préparé M. Burnouf à traduire Tacite, c’est le commerce qu’il a longtemps entretenu avec Salluste dont il nous a donné une fort bonne édition. Salluste précédant Tacite d’un siècle nous est une preuve nouvelle de l’espèce d’harmonie préétablie qui préside à la succession des hommes de génie. Salluste est tout-à-fait un historien antique ; mais cet émule de Thucydide a déjà quelque chose de plus intime que son modèle : ses statues sont aussi pures que celles du fils d’Olorus, mais leur vue inspire peut-être des réflexions plus profondes. Cependant ce n’est pas encore la profondeur moderne de Tacite. Au surplus il est fort naturel que dans l’esprit des romains Salluste ait toujours passé pour le premier de leurs historiens ; le vers de Martial est bien connu :

Crispus romana primus in historia.

Mais peut-être n’a-t-on pas assez remarqué celui qui le précède,